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  D’HIPPOLYTE. 79


Toy seul comme un grand roy commande en ma pensée,
La raison et la peur loin de moy soit chassée,
Et tant de vains respects qui m'ont trop retenu,
Divisans mon esprit par un trouble inconnu.

Celuy qui sent de Vars sa poitrine échaufféfl,
Et qui veut s'honorer de quelque beau trofée,
Ne pallist estonné pour la peur des hazars, .
liais voit devant ses yeux, par les rangs des soldars,
La mort d'horreur couverte et de sang toute tainte,
"Et l'attend de pié coy sans frayeur et sans crainte.
Moy donc qu'un plus grand Dieu touche si vivement,
Et Q!li veux que mon nom vive etemellement,
Pour avoir nlon amour sur tout eutre élevée:
1I0y qui ay tant de fois ma vaillance esprouvée,
Craindra~'-je maintenant à ce dernier assaut?
Le fait que j'entrepren veut un courage haut,
Constant et patient, qui souffre sans se plaindre,
Qui durant sa langueur joyeux se puisse faindre,
Qui sente incessamment quelque nouveau trespas,
Qui se laisse brûler et ne soupire pas,
Et qui, pour tout loyer des douleurs qu'il support~,
Ne puisse esperer rien qu'une douleur plus fortE-.
C'est un labeur bien grand: mais rien n'est mal-aisé
Au coeur qui comme moy d'amour ~st emhrafM\.

Je veux donc poursuivir sans esperanoe aucune,
~ans appuy, sans raison, saDS conseil, sans fortune,
Et d'Amour seulement je veux estre guidé:
Un aveugle, un enfant, qui desja m'a bandé
Les yeux ainsi qu'à luy, pow' ne voir mon otrance,
Et qui de mon malheur m'oste la connoissance: