Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/114

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tales et vivantes qui rutilent et resplendissent, ils s’étalaient en larges brossages, s’étendaient à coups de pinceau fin, éclataient en feux d’artifice pour s’amortir bientôt, se faner, se fondre avec douceur dans l’obscurité. Ordonnés et léchés comme des toiles de peintre classique et craintif, apocalyptiques, fous et terribles comme l’imagination délirante en conçoit pour des champs de bataille ou la chute de Satan, ou délicats, gracieux, voilés, aussi discrets que des aquarelles, ils avaient tous laissé au fond de sa mémoire enchantée des souvenirs appuyés ainsi qu’en sait graver le burin.

Mais ce qu’il préférait à tout, c’était une combinaison des teintes de l’automne et du crépuscule lorsque la terre et le ciel avivent mutuellement leur coloration. Jean Desbois vivait alors dans l’enchantement à l’approche des nuits. Je le rencontrais souvent dans le parc de Rockliffe, s’en allant à petits pas lents, les yeux fixés à l’occident.

Les érables le retenaient autour d’eux en cette saison, comme par un sortilège. Du premier coup d’œil, il avait reconnu ceux qui lui offraient le plus de nuances. Le soleil baignait leur feuillage et les transperçait ainsi qu’une opulente draperie. Les feuilles