Aller au contenu

Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mié. Ma bisaïeule, les cheveux tout blancs, tricotait des heures entières près du poêle, douce et calme comme une sainte, en robe d’indienne. Fécite s’effarait entre ces impotents et ces malades, entre les enfants tapageurs et excités, plus inquiète de chacun que s’il eût été la chair de sa chair. Petite et osseuse maintenant, ridée et sèche, elle fournissait des journées de travail à assommer un cheval.

Il lui vint plus tard une autre épreuve. Louis, le premier enfant de Charles, était devenu son préféré ; en vieillissant, elle s’était laissée aller à cette tendresse plus particulière. Beau gars de vingt ans, bien découplé, il avait tout le physique de son grand-père avec l’âme douce de sa grand’mère.

On entendit parler un jour de l’invasion des Féniens. Le gouvernement demandait des volontaires. Héritier d’un sang audacieux et batailleur, Louis s’enrôla tout de suite, fier de l’uniforme rouge qui lui seyait bien.

Dès le moment du départ, Fécite ne connut plus de repos. On la vit coudre des glands noirs aux rideaux de la maison, s’habiller de deuil, et pratiquer des austérités qui l’émaciaient. Une intense inquiétude maternelle la consumait, étreignait son âme puérile et