Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’élever jusqu’au haut de forme mais y tendait néanmoins d’assez près pour être respectable. Des favoris encadraient une face régulière et pâle que de beaux yeux bruns éclairaient d’une douce lumière. Avec ça, fleurant la rose ou le muguet, et relevant, d’un coup de pouce, selon la verticale, les pointes d’une belliqueuse moustache.

Toute la population de Berthier fut interloquée d’un spectacle aussi rare. Peu disposée à faire crédit sur la mine elle se tenait sur la défensive. Les vieux joueurs de dames s’expliquaient mal d’ailleurs les allées et venues du nouveau médecin, ses sorties multipliées et précipitées, comme si la ville eût été subitement atteinte d’une épidémie. Ils savaient pertinemment qu’il n’y avait pas, pour lors, plus de cinq ou six malades dans la paroisse.

Les habitants, de leur côté, habitués au tutoiement du défunt Gervaise, du curé et du notaire, étaient complètement désorientés par les « vous » polis et l’air distant du docteur Daniel-Emmanuel Bonald. Ce frais émoulu d’université, ne s’informait point des récoltes, des enfants et de la femme, il ne commentait pas les dernières nouvelles qui agitaient ce milieu si spécial.

Quant à la gent féminine de Berthier, —