Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/30

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M. Daniel-Emmanuel Bonald ne regardait pas sans plaisir madame veuve Xavier-Narcisse Gervaise. En y pensant deux fois, on en vint à la conclusion que la dame était bien le fait du médecin. Peu riche, celui-ci ne pouvait que se trouver dans d’excellentes dispositions pour aimer une femme fortunée. Et, depuis ce jour, on se mit en frais de surveiller attentivement les péripéties de cette cour. Aussi, après la grand’messe, lorsque le docteur, alerte et guilleret, abordait, plein de civilités et de courbettes, Mme veuve Gervaise, lorsque cette délicieuse ingénue, rougissante, souriante, un peu gênée, acceptait cette compagnie, il fallait voir la figure de nos gens ! Ce n’est pas à eux qu’on pouvait en faire accroire ! La malice pétillait dans leurs yeux narquois et la fumée de leur pipe s’enroulait en volutes polissonnes. Le gros bourdon s’ébaudissait avec fracas dans le clocher et les petits moineaux pétulants, juchés dans les grands ormes, raillaient à visage découvert.

Les amours suivirent leur cours légal et coutumier, et, un dimanche de septembre, ce fut la publication des bans. Du haut de sa chaire roulante, le curé vit un tel amusement dans les regards braqués sur lui qu’il en pensa perdre sa gravité.