Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/32

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Ce fut un beau vacarme entrecoupé d’invectives homériques. Les clameurs poussées en commun succédaient aux appels gutturaux. Une bande de bambins dépenaillés, à cheval sur une clôture, huchaient d’un ton aigu et traînant, sans cesser : « Ohé, Ohé, Ohé, le marié ! » D’autres donnaient jour à leurs tendances musicales en imitant, avec une ressemblance frappante, les cris de nombreux quadrupèdes et bipèdes, le chant du coq, le miaulement lent et strident du chat, le hennissement du cheval. Et pour éclairer cette scène, des jeunes gens avaient enduit de pétrole des quenouilles cueillies dans les marais et les agitaient au vent, au-dessus des têtes.

Vers onze heures, lorsqu’il devint évident que Daniel-Emmanuel Bonald serait sourd aux sommations de la multitude, ce fut une excitation complète, un délire, une folie. Le charivari tripla d’intensité. Ce n’est pas peu dire. Et jusqu’à trois heures du matin, ce fut un chahut à réveiller les morts. On s’égayait bellement.

Le lendemain, prévoyant que le siège serait difficile et long, les assiégeants élirent un général et un maître des cérémonies. L’effectif des troupes s’augmenta aussi considérablement et l’on suivit un programme élaboré