Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/33

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avec soin de sorte que les assiégés n’eurent aucun répit. À un solo exécuté sur les chaudières bossuées succédait une clameur puissante, puis, les plus gaillards entonnaient la complainte de Toronto ou celle du Juif-Errant. Un virtuose inconnu des autres et de lui-même se découvrit du talent pour l’ophicleïde, tandis que la trompette et le basson improvisaient des airs propres à maintenir l’ardeur des combattants. Le tambour ne chômait point et tapait à tour de bras sur la peau d’âne.

Ce siège de bruits fut courtois et les belligérants s’abstinrent de tout acte déloyal. Aussi l’armée menaçait-elle de s’éterniser dans l’assaut lorsqu’un médiateur imprévu intervint. Monsieur le Curé de Berthier était un digne et saint prêtre. Les paroissiens ne se lassaient pas d’admirer sa carrure athlétique, son verbe haut, son interpellation familière et ses gestes brusques. Ouailles et pasteur s’aimaient réciproquement, se comprenaient, et gravissaient au pas de charge les sentiers escarpés du ciel. Mais le bon Dieu, pour des raisons de lui seul connues, ne voulant pas que la perfection absolue se rencontre sur la terre, avait laissé à l’excellent ecclésias-