Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/43

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sous des frênes souples, des ormes et des saules chevelus. Et l’on ne voyait point, dans ce coin perdu, ces jeunes gens galants, distingués et sensibles qui savent comprendre les natures délicates. Et la dolente Cécile, sarclant des oignons ou cueillant des haricots, se désolait de n’avoir personne avec qui jouer les scènes charmantes de l’amour et du hasard.

Il en vint un, cependant, mais quelle déveine ! Enhardi par une amitié d’enfance et un aplomb naturel, Pierre ne voulait rien prendre au sérieux et s’amusait sans cesse. Il taquinait volontiers Mademoiselle Cécile sur ses airs langoureux et revêches, risquait des moqueries câlines et des plaisanteries enjouées. Il la suivait alors du coin de ses petits yeux noirs et perçants pour surveiller l’effet, mesurer la dose et s’arrêter au moment voulu. Rien ne lui plaisait autant que d’irriter les femmes pour se les réconcilier ensuite par des compliments flatteurs où il y a encore de la malice. Et notre jouvencelle, entre ces mains expertes, se trouvait sans défense et sans ripostes.

Le premier avril, Pierre arriva de bon matin, comme le lui permettait sa qualité de voisin ; et, simple et jovial :