Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/44

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— Cécile, avez-vous été chercher votre correspondance dans la boîte aux lettres ?

— Mais non, le facteur n’est pas passé.

— Il passait lorsque je suis entré. Je crois qu’il vous a laissé un paquet, peut-être un joli cadeau.

Pierre n’avait pas terminé sa phrase que Cécile était dehors, sans manteau ni chapeau, louvoyant avec peine, sur la neige gelée et glissante, vers la petite cabane de fer-blanc juchée au bout d’un piquet, au bord de la route ; et parce qu’elle n’était ni leste, ni légère de sa personne, elle fit naufrage deux fois, lamentablement, avant d’atterrir au port. Essoufflée et le visage en sueur, elle saisit bien vite une boîte très longue, très large, très profonde, qui promettait des surprises considérables. Quelle ne fut pas sa honte ! Il n’y avait, sur un lit de ouate blanche, qu’un petit poisson de gélatine, rouge, mince et transparent, un de ces petits poissons qui frétillent, sous la chaleur de la main, à la grande joie des enfants. Et il lui fallut revenir, la pauvrette, trébuchante et ballotante sous les yeux braqués des fenêtres, entendre les plaisanteries, subir les gaietés et écouter sa mère qui voulait la consoler mais riait malgré elle jusqu’aux larmes. Elle monta à sa