Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chambre, humiliée et indignée, et la famille se gaussa d’elle pendant quinze jours.

Le printemps vint sur ces entrefaites. Un soir, au crépuscule déjà tardif, Cécile coupait des grappes de lilas odorantes et lourdes. L’atmosphère, dans la campagne, était limpide et tranquille au-dessus des champs vêtus d’herbe tendre. Pierre qui avait aperçu sa mie de chez lui franchit vite la clôture. Il causa quelques instants en la regardant continuer son travail, en cheveux, les bras levés au-dessus de la tête. Puis il s’approcha doucement, à pas de loup, et d’un geste habile, souple, sûr et fort, l’attira à lui et l’embrassa longtemps, longtemps. Et lorsque Pierre desserra son étreinte, ahurie, désemparée, suffoquée, Cécile demeura quelques secondes à se remettre ; enfin, de sa main restée libre, elle lança un soufflet, à pleine volée au galant intempestif et regagna fièrement la maison. Et Dieu sait si le fils du voisin fut attrapé dans le journal, ce soir-là ! Comment avait-il osé ? Elle le mettrait à la porte s’il se présentait encore.

Cécile n’eut pas l’occasion d’exécuter une si vertueuse décision. Les dimanches passèrent et l’audacieux cavalier ne revint pas. Elle