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l’étude des langues indiennes

tour en nôtre petite maisonnette ». À partir de ce moment, il se traîne d’un gîte à l’autre plus qu’il ne marche, et il croit souvent qu’il n’atteindra pas le fleuve.

Le 1er avril, la tribu quitte un lac ; et dès lors, dit le missionnaire, « nous tirâmes à grande erre vers nôtre rendez-vous ». Celui-ci est encore éloigné, on se hâte, le missionnaire est à bout ; mais « la nature, dit-il, a plus de force qu’elle ne s’en fait accroire, je l’expérimentai en cette journée en laquelle j’étais si faible que m’assoyant… sur la neige pour me reposer, tous les membres me tremblaient non pas de froid, mais par une débilité… »

Le 4 avril, les Indiens atteignent enfin le fleuve, et le 5, leur chef prend une mesure d’urgence : transporter son hôte à Québec le plus tôt possible ; alors il s’embarque avec le père Le Jeune et l’Apostat dans le petit canot d’écorce abandonné là l’automne précédent.

À ce moment commence une autre odyssée aussi dramatique que la première. Au départ, les voyageurs doivent se frayer une route à travers une glace toute mince ; l’écorce du canot se coupe, il faut diriger l’embarcation vers le rivage et en même temps la vider à pleins seaux. Puis vent et marée accumulent sur la route des champs de banquises ; à plus d’une reprise, les trois hommes doivent sauter d’un glaçon sur l’autre, traîner l’embarcation sur de longues distances, la lancer à l’eau plus loin, se faufiler par les ouvertures, risquer à toute minute de voir le frêle canot écrasé. Et la nuit, on couche ici et là, au hasard, sur la terre humide et froide d’une île, sans abri d’aucune sorte. Pour un malade, le régime ne manque pas de dureté.

Enfin, un matin, après de nombreuses mésaventures, « le soleil paraît beau, l’air serein, les vents s’apaisent, les vagues cessent, la mer se calme ». Vite, le missionnaire se met à la recherche de ses compagnons qui l’ont abandonné pour la chasse ; mais, de