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traites et poste de traites

coupera souvent à la traite ses voies de communication, fera de cette foire annuelle le signal d’hécatombes nombreuses, la désorganisera et l’annihilera à maintes reprises. Déjà aussi les missionnaires décèlent des symptômes de l’affaiblissement de la coalition laurentienne, la grande pourvoyeuse des pelleteries. Ivrogneries et famines répétées minent les Montagnais ; des épidémies les déciment. Les forces vives des nations montagnaise, algonquine et huronne se détruisent graduellement avec le courage d’autrefois et la prudence rusée.

Le second incident remarquable de la traite de 1633, c’est le meurtre d’un Français tout près de l’Habitation. Un soldat fait sa lessive dans un ruisseau ; soudain survient un sauvage qui l’assomme d’en arrière sans aucun motif. Il agit sous le coup de l’une de ces impulsions nuageuses qui conduisent tant d’Indiens à l’assassinat. La garnison capture aussitôt le criminel et l’enferme sous bonne garde. Mais ce meurtre produit toutes sortes d’ennuis, comme ceux de 1627, comme ceux aussi de 1616. Perdu dans ce vaste pays, Champlain se sent faible pour imposer les formes françaises de la justice.

Mais ce meurtre de l’année 1633, il produira une conséquence toute particulière : il empêchera le départ des Jésuites pour la Huronie. Ceux-ci sont maintenant prêts : le Père de Brébeuf est revenu dans la Nouvelle-France ; il a déjà appris le huron au cours d’un premier séjour sur les bords de la baie Géorgienne ; quelques compagnons choisis attendent l’occasion de l’accompagner.

Et cette mission suscite les plus vastes espérances pendant que la traite bat son plein : « Au reste, dit le Père Paul le Jeune, le fruit qu’on recueillera de cette mission sera grand, s’il plaît à Dieu ; si les Pères qui sont destinés pour les Hurons, nation stable, peuvent entrer dans ce pays ; et que les guerres ne troublent point ces peuples ; il est croyable que, dans une couple d’années, on verra qu’il n’y a de nation si bar-