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dans le nid d’aiglons, la colombe

méditations, elle demeure mystérieuse ; bien plus, elle se refuse aux courants qui se dessinent autour d’elle. On ne peut que signaler les dispositions profondes qui l’animent. On mentionne « l’horreur quelle avoit de la mondanité ». Il lui faut assister aux messes, continuer un peu l’existence bien réglée du couvent, s’adonner à la prière, communier souvent.

« Car quoy quelle satisfît à tous les devoirs dela Bienséance avec beaucoup d’agrément, dit M. de Belmont, elle me laissoit point de ressentir un continuel Degout pour le monde ». Puis, voici un signe plus révélateur encore chez cette adolescente à la parole intarissable : elle sait se soustraire à la conversation. « Malgré son enjouement naturel, elle s’engagea à Dieu par des quarts d’heure de prière quelle lui consacra à la même heure du jour, pour penser uniquement à Lui. Puis, au milieu des parties les plus réjouissantes quoy que permises, elle sortoit de l’assemblée pour son temps de méditation, dans le moment où la nature était le plus flattée ».

Sa mère a dû l’entrevoir plus d’une fois, s’esquivant ainsi en catimini pour une oraison ; cédant à un besoin de recueillement, de silence, de solitude. Goûtait-elle déjà la saveur de Dieu ? Courait-elle à l’odeur des parfums comme l’Épouse du Cantique des Cantiques ? Elle est fidèle aux rendez-vous.

Quoi qu’il en soit, le temps passe et Jeanne ne révèle pas d’inclinations spécifiques. Elle est encore très jeune, dix-sept ans et peut-être un peu plus. Supposons aussi que sa voie particulière n’est pas facile à découvrir. On dirait qu’il faut le choc des événements extérieurs pour la dégager de sa gangue.

Le premier est une demande en mariage que son père reçoit pour elle. On répète que le soupirant offrait toutes les garan-