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IROQUOISIE

tion ne se signera pas. C’est du moins ce que croit le Gouverneur. Le père Vimont, supérieur des Jésuites, et le père Paul Le Jeune, pensent que dans le danger actuel extrême, il y a moyen de tourner la difficulté. Deux conférences particulières ont lieu entre Le Crochet, Montmagny et Couture. Et c’est alors que le Gouverneur déclare à Kiotsaton qu’il y a deux sortes d’Algonquins : « Duo esse Algonquinorum généra », c’est-à-dire les Algonquins semblables aux Français, qui sont convertis, pratiquent le catholicisme, et les Algonquins païens, qui tiennent toujours à leurs superstitions. Il ne peut conclure aucune paix sans y comprendre les premiers. Quant aux seconds, ils sont eux-mêmes les maîtres de leurs actions ; ils sont moins intimement liés à la nation française et ils doivent tirer seuls leur épingle du jeu. Le Crochet se déclare satisfait et les négociations se poursuivent.

Les seuls Français au courant de cette distinction sont le Gouverneur général, Guillaume Couture, les pères Vimont et Le Jeune. Pourquoi ont-ils consenti à cette clause secrète qui sacrifiait des alliés et des collaborateurs ? C’est un moindre mal. L’intérêt général exige ce sacrifice. Le désastre est prochain, il faut à tout prix l’éviter, obtenir un répit. Les secours peuvent arriver. Si le traité n’est pas conclu, tous les Algonquins sont exposés aux massacres, et non plus les païens seulement. Mais un lecteur assidu des Relations trouve une cause additionnelle. Un antagonisme violent, bien que sourd, existe depuis longtemps entre Algonquins convertis et Algonquins païens, entre ces derniers et les Français. Une inimitié larvée sépare ces groupes. Ainsi les traiteurs vendent maintenant des mousquets et des munitions aux catholiques tandis qu’ils n’en vendent pas aux autres, malgré la nécessité évidente d’adopter cette politique. Les récits du temps insistent sur la superbe des Algonquins de l’Île qui ne veulent pas plier les genoux devant le crucifix. Certains passages indiquent une réprobation sincère.