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les opiniâtres

— Pourquoi nous inquiéter ? demanda Pierre. Ne possédons-nous pas les armes à feu ? Et nos alliés sauvages viennent de remporter une victoire.

— Oui. Mais ils fondent comme une neige au soleil. Cette guérilla fait en fin de compte peu de victimes. Les famines de l’hiver occasionnent des pertes plus nombreuses, de même que l’ivrognerie. Ensuite, les maladies blanches que nous avons apportées, déciment les tribus ; la contagion court comme le feu dans des traînées de poudre. Ces sauvages ne connaissent aucune défense contre les épidémies. Le vrai péril est là. Je le crie à tout venant : la suprématie algonquine n’existe plus. Nos amis opposent une défense de plus en plus faible aux Iroquois, cinq tribus solidement liées, non contaminées, qui peuvent guerroyer douze mois par année parce que les femmes cultivent le maïs.

— Pourquoi ne pas les refouler nous-mêmes en leur pays ?

— Nous n’avons pas cent soldats dans toute la Nouvelle-France ; et, chaque jour, l’ancien équilibre se détruit un peu.

Jean Nicolet interrogea Pierre longuement sur les dernières nouvelles de France. Un peu impatienté, il s’écria :

— Cet entretien ne vous sera pas d’un grand encouragement pour vous fixer aux Trois-Rivières ?

Posée ainsi avec un peu d’humeur, la question contenait un défi. Brusquement, la jeunesse et le courage de Pierre répondirent :

— Ma décision était déjà prise.