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à ce prêtre que des peines purement canoniques, c’est-à-dire une moquerie de punition, il se trompait certainement.[1]

Quand un Pape excommuniait un gouvernement pour le seul fait d’avoir puni un prêtre meurtrier, il se trompait certainement :

Et quand il interdisait toute une ville et excommuniait ses habitants pour la faute purement imaginaire de ses magistrats ou administrateurs, qui n’avaient fait que leur devoir en punissant ce prêtre meurtrier, il se trompait certainement.[2]

Quand un Pape déclarait perverses et anathématisait les garanties légitimes qu’un peuple exigeait contre la tyrannie d’un homme ou d’un système, il se trompait certainement.[3]

Quand un Pape excommuniait tous les gouvernements qui imposeraient une taxe quelconque sur les biens ecclésiastiques, même ceux appartenant personnellement aux ecclésiastiques, il se trompait certainement.[4]

Quand un Pape excommuniait les gouvernements qui imposeraient de nouvelles taxes sur leurs administrés sans l’autorisation de la Cour de Rome, il se trompait certainement.[5]

Quand un Pape excommuniait les gouvernement qui ne chasseraient pas de leurs terres les hérétiques, il se trompait certainement.[6]

Quand un Pape relevait de leurs serments les princes qui avaient juré d’observer une constitution, il se trompait certainement, car rien n’autorise à violer une promesse légitime en elle-même et librement donnée. Mais les Papes, d’après l’avis des canonistes, se sont toujours regardés comme au-dessus du droit.[7]

Quand un Pape déclarait que la crainte d’une excommunication injuste était une raison légitime de violer ou ne pas remplir un devoir, il se trompait certainement.[8]

  1. Bulles Clericis laïcos, In cana Domini, Supernæ dispositionis. Bulle Quia sieut, d’Urbain VI ; Ad réprimandas, de Martin V.
  2. Sixte IV et le gouvernement de Florence. Paul V et la République de Venise.
  3. Innocent III et la grande charte, Août 1215 Grégoire IX et St. Louis ; Février 1236. St. Louis dit au Pape qu’il n’a rien à voir dans le gouvernement du royaume de France. Clément XI et l’Empereur Joseph I, 1707. Clément XIII et le Duc de Parme, 1768. L’Impératrice Marie-Thérèse, fervente catholique, inscrit la lecture de la bulle In Cana Domini dans ses états. Pie VI et Joseph II, 1784. Pie VI et l’assemblée constituante, 1790. Léon XII et Louis XVIII, 1818 Grégoire XVI et l’encyclique Mirari Vos… Pie IX et la Bavière, 1848. — Le même et la Toscane, même année. Il réprouve le régime parlementaire. Le même et la Nouvelle Grenade, 1852 ; Allocution Acerbissimun. Le même et le Piémont en 1855 ; Allocution Cum Sæpi. Le même et le Mexique en 1850. Allocution Numquam Fore. Le même et l’allocution Jamdudum Cernimus, en 1861. Le même et l’encyclique Quanta Cura et le Syllabus, en 1864. Le même et la Constitution de l’Autriche, 22 Juin 1868. Le même et la bulle Aposlolicæ Sedis du 18 Octobre 1869.
  4. Bulle Clericis laïcos de Boniface VIII, qui excommunie les gouvernements qui imposeront quelqu’espèce de taxe que ce soit sur les personnes ou les biens ecclésiastiques, et aussi les ecclésiastiques qui la paieraient.
  5. Bulle In Cæna Domini.
  6. Alexandre iii et le 3ème Concile de Latran. Innocent iii et le 4ème Concile de Latran. Grégoire ix. Innocent IV. Les Conciles de Tonlouse et de Narbonne.
  7. Innocent III relève Jean sans Terre de son serment de maintenir la charte. Une bulle d’Alexandre IV de 1261, relève Henri III d’Angleterre du serment qu’il avait prêté aux barons. Urbain IV, en 1264, casse les provisions d’Orford que Henri III avait consenties. Clément v autorise Édouard 1er à violer son serment de maintenir les libertés du royaume. Clément VI accorde à Jean de France et à son épouse le droit de se faire relever par leur confesseur des serments qu’ils avaient pu faire ou de ceux qu’ils pourraient faire à l’avenir, moyennant quelque pratique de piété. Ferdinand v se fait relever par le Pape du serment qu’il avait prêté aux Cortez d’Aragon de reformer l’Inquisition. Innocent III décide que les serments contre l’intérêt de l’Église sont des parjures. Paul IV relève Henri II de son serment envers Charles-Quint.
  8. La proposition que « la crainte d’une excommunication injuste n’est pas une raison suffisante pour violer un devoir, » se trouve condamnée en même temps que plusieurs autres, extraites de l’Augustinus de Jansénius et du livre de Quesnel. Et en dépit de plusieurs dispositions du droit canon, ça été la pratique, pendant plusieurs siècles, d’exiger la soumission implicite à l’excommunication injuste. On trouva la belle idée d’une excommunication valide quoiqu’injuste, et il fallait toujours s’en faire relever, moyennant finance bien entendu. Quelques papes comme Célestin III en 1193, et Innocent III en 1207 ont même accordé