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Quand un Pape ordonnait de dépouiller de leurs biens les enfants des hérétiques, — enfants nécessairement innocents du prétendu crime de leur père — il se trompait certainement puisqu’on ne peut en aucun cas punir l’innocent pour le coupable.[1]

Quand un Pape déclarait les enfants d’un père hérétique infâmes de droit, il se trompait certainement, puisque c’était violer toutes les notions de la justice.[2]

Quand un Pape déclarait les habitants d’une ville à toujours incapables de posséder, d’hériter, de tester, ou d’être témoins en justice, il se trompait certainement puisqu’il violait le droit naturel.[3]

Quand un Pape déclarait milles toutes les décisions d’un juge qui aurait protégé un hérétique, il se trompait certainement puisqu’il punissait des innocents pour un crime imaginaire commis par un autre.[4]

Quand un Pape déclarait nuls de plein droit tous les actes d’un notaire qui aurait reçu et caché un hérétique dans sa maison, il se trompait certainement, car il ruinait des familles innocentes pour le crime purement imaginaire d’un tiers.[5]

Quand un Pape excommuniait et déclarait infâmes les descendants d’un homme même coupable jusqu’à la septième génération, il commettait certainement une abomination.[6]

Et quand il s’agissait des descendants innocents d’un père innocent aussi, l’abomination n’était plus qualifiable dans les langues humaines.

Quand un pape ordonnait d’enlever les enfants à leurs parents sous prétexte de religion, il se trompait certainement, car la famille existe en dehors de l’Église et lui est antérieure.[7]

Quand un Pape commandait aux catholiques de piller les denrées de ceux qui approvisionnaient une ville, il se trompait certainement, car il n’avait pas le droit de commander le vol.[8]

Quand un Pape autorisait les inquisiteurs à mettre en jugement leurs victimes sans leur communiquer les noms des témoins qui déposaient contre eux et encourageait ainsi la délation secrète et la calomnie, il se trompait certainement.[9]

Quand un Pape a défendu aux juges de rendre justice aux excommuniés, il se trompait certainement, car rien absolument ne peut autoriser la violation de la justice envers qui que ce soit.[10]

Quand un Pape déclarait un prêtre meurtrier exempt de droit divin de toute juridiction civile, et n’imposait

  1. Innocent iii montre que les enfants sont souvent punis pour les crimes des parents. Et le Canoniste Farinacius explique que le seul lot en ce monde des enfants des hérétiques est la misère et les privations ; et que si on leur laisse la vie, c’est par pure indulgence. Aussi : Décrétales de Grégoire ix, liv. 5, titre 7. Et le Canoniste Fagnani explique aussi que l’on ne doit rien laisser aux enfants des hérétiques sous prétexte de pitié, même s’ils sont devenus catholiques. On fait seulement grâce à ceux qui auront dénoncé leurs parents !  !
  2. Bulle d’Eugène IV contre les Colonna. Il déclare leur postérité infâme à perpétuité. Urbain V excommunie les enfants à naître de Barnabas Visconti. Urbain VI excommunie les enfants du Roi de Naples jusqu’à la quatrième génération. Grégoire xi excommunie jusqu’à la septième génération.
  3. Clément V. Excommunication des Vénitiens. Grégoire xi et Sixte IV contre les Florentins.
  4. Innocent iii et le 4éme Concile de Latran contre les hérétiques. Grégoire ix contre les mêmes.
  5. Idem. Idem.
  6. Voir note 2.
  7. Diverses bulles des Papes. Affaire Mortara. Néanmoins Pie VI avait défendu l’enlèvement des enfants à leurs parents ; mais l’ancienne pratique a prévalu.
  8. Bulle d’excommunication des pères du Concile de Bâle par Eugène IV. Le Pape y ordonne aux catholiques de piller les denrées de ceux qui viennent approvisionner la ville.
  9. Alexandre IV écrit aux dominicains d’agir sommairement et sans le bruit embarrassant des avocats et des formes judiciaires. Innocent IV avait déjà autorisé les Inquisiteurs à ne pas communiquer aux accusés les noms des témoins qui déposaient contre eux. Tout légiste qui eût voulu défendre un accusé d’hérésie devant l’Inquisition eût été immédiatement destitué, excommunié et frappé d’infamie.
  10. Grégoire ix. Bulle contre les pauvres de Lyon.