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Quand un Pape déclarait pur concubinage les mariages faits en dehors du cérémonial de l’Église, il se trompait certainement, car le mariage est de droit naturel et non seulement de droit ecclésiastique ; et il est difficile d’admettre que les neuf-dixièmes du genre humain vivent dans le concubinage et que les seuls enfants catholiques soient légitimes !

Enfin, quand le Pape actuel déclare en 1864 le principe de la séparation de l’Église et de l’état une erreur damnable, et qu’en 1848 il faisait assurer par son Nonce au grand Concile de Berne que « l’Église ne refuserait pas, quand le moment serait venu, de reconnaître le grand principe de sa séparation d’avec l’état, et qu’elle n’hésiterait pas à inscrire sur sa bannière cette expression éminente et suprême de la liberté ; il est certainement permis de se demander quand le Pape s’est trompé ; en 48 ou en 64 ? car il n’a pas pu se contredire et avoir raison dans les deux cas !

Je n’ai cité, Mgr, qu’une petite partie des choses immorales, ou fausses en droit et en raison, que les Papes ont commandées ou permises. Et si les ecclésiastiques étudiaient un peu mieux leur propre histoire, ils cesseraient peut-être d’affirmer avec l’arrogance qu’ils y mettent, que ce n’est qu’à Rome que l’on peut trouver la définition certaine du vrai. Il n’y a certainement rien de vrai en justice et en morale, dans les prodigieuses prescriptions ou définitions que je viens de citer, et il ne m’eût pas été difficile de quintupler la liste. Cela montre tout simplement qu’il est impossible que les hommes ne se trompent pas, et que souvent plus ils se prétendent exempts d’erreur plus ils s’y embourbent.

Si les partisans de l’ultramontanisme étaient un peu moins audacieux dans leurs affirmations ; s’ils montraient un peu plus de respect pour la vérité historique ; s’ils n’affirmaient pas avec tant de parti pris l’exemption absolue des erreurs et des faiblesses humaines qui caractérise suivant eux la seule Cour de Rome, on pourrait peut-être s’abstenir de rétablir les faits et de constater la vérité, si souvent défigurés par eux. Mais quand on a fait une étude spéciale de l’histoire en étudiant consciencieusement le pour et le contre, au lieu de ne regarder jamais, comme le font en règle générale les ultramontains, qu’une seule face des questions débattues ; on se sent forcé par conviction comme par devoir de venger les droits de la vérité historique et de la rectitude morale.

Je sais bien que l’ultramontanisme, ennemi de la raison comme de la conscience indépendante, défend à ses adeptes de lire les ouvrages où l’on démontre ses fautes, ses erreurs, ses fausses représentations et bien souvent ses supercheries. Mais je sais aussi qu’il existe dans toutes les sociétés un certain nombre d’esprits sérieux qui veulent connaître le vrai et ne se soumettent pas ineptement à la défense de le chercher.

Il serait vraiment trop commode d’émettre suivant les circonstances les doctrines les plus fausses, de violer habituellement les préceptes que l’on prêche, de multiplier ses fautes comme à plaisir ; de proclamer comme vérité absolue des prétentions qui révoltent la conscience ; de présenter comme méritoire ce qui est crime et félonie, et de défendre comme criminel ce qui est juste et légitime en soi ; et puis de se soustraire au contrôle de l’opinion par une simple défense à ceux qui ont intérêt à connaître la vérité de lire les ouvrages où elle est exposée et constatée. Or ce système qui serait déclaré honteux chez les laïcs est représenté comme éminemment salutaire chez les ecclésiastiques ! Où est la sincérité dans cette prétention ? Comment ce qui serait répréhensible chez nous serait-il louable chez vous ?

Il est hors de doute pour celui qui en a étudié le fonctionnement, que l’Index a beaucoup plus servi à voiler les fautes du Clergé en empêchant les laïcs d’en lire les récits, qu’à protéger

    comme haute faveur le privilège de ne pouvoir être excommunié que pour de justes raisons. Voilà comme le sacerdoce comprend et applique la justice. Il change en simple privilège le plus sacré des droits, celui de ne pas être condamné sans cause.