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ficulté même en imposant des sommes considérables pour accorder les dispenses. Mais, chose excessivement remarquable, depuis que notre code a déclaré ces mariages illégaux, V. G. s’est mise à marier avec beaucoup moins de difficulté les parents de cette catégorie. Et pourquoi ? Tout simplement parceque la loi civile le défend. La prétention du Clergé étant que le pouvoir civil n’a aucun droit quelconque de créer des empêchements de mariage, et que ce droit appartient à l’Église seule ; du moment que la loi a refusé sa sanction à ces mariages, il fallait bien que l’Église se mît en conflit avec elle. Avant que la loi civile les défendît, l’Église empêchait ces mariages autant qu’elle le pouvait ; mais du moment que la loi s’est mise à ne pas les reconnaître, alors, V. G. représentant l’Église, s’est mise à les permettre, et cela sans autre but que de signifier pratiquement à l’état qu’il n’avait pas le droit de créer des empêchements de mariage. Ainsi, si le pouvoir civil veut empêcher les oncles et nièces, ou les beaux-frères et belles-sœurs de se marier ensemble, il n’a pas, d’après les prétentions ecclésiastiques, le droit de passer une loi à cet effet, mais il faut qu’il demande humblement à l’église de vouloir bien déclarer ce degré de parenté empêchement dirimant. Si l’Église consent, tout est bien ; mais si elle refuse, l’état ira se promener ou fléchira le genou. Et si l’Église veut autoriser les mariages clandestins, l’état sera bien osé s’il y trouve à redire puisque cela ne le regarde pas le moins du monde. Au premier signe du prêtre, l’état doit disparaître, d’après le pape Boniface VIII, et doit être orgueilleux d’obéir, d’après le Rév. P. Braun. Et si les mariages clandestins jettent le trouble dans les familles et causent des procès et des haines, l’état n’en devra pas moins penser que l’Église n’a pas pu se tromper.

Autrefois l’Église prohibait les mariages jusqu’au septième degré de parenté, prohibition qui lui a valu d’énormes revenus, d’abord parceque, dans des populations peu nombreuses, ce degré de parenté devenait excessivement commun ; et ensuite parce que, quand les conjoints découvraient qu’ils étaient parents même au septième degré, il fallait se séparer, puis obtenir l’absolution de la coulpe moyennant pécune, puis se remarier une seconde fois, toujours moyennant pécune. Mais devant la clameur universelle l’Église a fini par réduire la prohibition au quatrième degré ; mais en défendant d’une manière à peu près absolue les mariages entre oncle et nièce et entre beau-frère et belle sœur. On les tolérait seulement dans les grandes familles, pour conserver les biens dans les souches, et surtout parceque d’ordinaire elles payaient bien. Mais ici le pouvoir civil s’étant mêlé de défendre ces mariages, il devenait nécessaire de lui faire comprendre que non seulement l’église doit être un état dans l’état, mais que c’est réellement l’État qui est dans l’Église. On nous l’a dit sur tous les tons, implicitement et explicitement, il y a quelques mois, et V. G. s’est mise à le démontrer de la manière la plus pratique possible en mariant ceux dont la loi civile ne reconnaît pas l’union. Les enfants provenant de ces mariages n’auront peut-être pas d’état civil, ne pourront peut-être pas hériter ; le trouble sera par suite dans la famille et dans la société, mais qu’est-ce que cela fait au Clergé pourvu qu’il maintienne sa domination et son prestige ?

Et pourtant là aussi on finira par prononcer le Non esse inquietandos, et alors ce qui aura été péché deviendra indifférent et même quelquefois vertu. C’est bien une vertu aujourd’hui pour un tuteur que de bien administrer la fortune de son pupille et de placer ses fonds à intérêt, et il n’y a pas trente ans c’était un péché mortel ! Et c’est bien certainement à la plus haute raison laïque qu’il a fallu céder après avoir mille fois affirmé que l’on ne pouvait céder sans offenser Dieu. Le Nom possumus a duré cinq siècles sur cette question, et où est il aujourd’hui ?

Il en sera certainement ainsi des