Page:Dessaulles - La Grande Guerre ecclésiastique. La Comédie infernale et les noces d’or. La suprématie ecclésiastique sur l’ordre temporel, 1873.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 97 —

Ce n’était pas assez d’avoir un système qui permet au Clergé de braver l’opinion tout en le laissant à la merci de l’Évêque par suite de l’absolutisme introduit dans la pratique ecclésiastique moderne, pratique qui permet à celui-ci de le manipuler à son gré d’après les besoins du moment ; ce n’était pas assez d’avoir un système qui permet aux Évêques de se moquer des plaintes ou des désirs légitimes de paroissiens qui souvent sont maltraités ou scandalisés par des curés arrogants ou immoraux — on connaît le résultat à peu près invariable des enquêtes ecclésiastiques quelle que soit l’évidence des preuves contre de grands coupables, que l’on déclare toujours innocents, quitte à les faire disparaître plus tard sous un prétexte quelconque — il fallait encore créer au Clergé une nouvelle source de revenus en disant à la loi civile : « Nous pouvons parfaitement nous passer de vous puisque nous avons l’excommunication pour dompter les résistances. Ainsi chaque fois que nous voudrons suppléer au revenu que vous nous avez créé, nous menacerons nos ouailles de refus de sépulture ecclésiastique, et vous verrez comme elles paieront. »

Je doute qu’il y ait beaucoup de gouvernements catholiques au monde qui permissent au Clergé d’enfler sa bourse au moyen de la coercition religieuse, car ce sont les gouvernements qui, au sortir du moyen-âge, ont dû intervenir pour brider la rapacité du Clergé ; et je doute fort qu’au dix-neuvième siècle ils lui lâchent les rênes. Nul doute que le moyen adopté par V. G. pour forcer la main aux non-propriétaires de terres ne soit très puissant dans une société où l’on se croit « enterré comme un chien » si sa dépouille mortelle ne repose pas dans un cimetière béni ; mais d’un autre côté, quand il y aura cent coupables (au point de vue purement ecclésiastique, s’entend) dans une paroisse, il sera assez difficile de les exclure tous. Alors surgira nécessairement « la question des cimetières, » institution communale de sa nature, et non cléricale. Là encore l’Église reculera nécessairement devant la raison publique quand celle-ci aura acquis la perception nette de ses droits.

Au reste je doute fort que V. G. aille bien loin avec une mesure aussi inconsidérée, car si le pouvoir civil permet au Clergé de se créer ainsi des revenus au moyen de la férule religieuse, la porte s’ouvre de suite aux plus criants abus. L’Église prétend avoir le droit non-seulement de prélever les fonds dont elle a besoin et qu’elle distribue à droite et à gauche, à l’étranger comme à l’intérieur, et bien souvent pour des fins temporelles plutôt que pour des fins spirituelles ; mais elle prétend aussi avoir le droit de les prélever par tel mode qu’il lui plait et sans aucune espèce de compte à rendre au pouvoir laïc. Cette prétention, V. G. essaie maintenant de la consacrer ici dans la pratique. Or c’est l’application que faisait autrefois l’Église de cette prétention inadmissible — taxer les fidèles sans leur consentement — qui a conduit aux plus effroyables abus. Sans citer ici l’Angleterre, pressurée et mangée de toutes manières par les Légats et les Évêques Italiens que les papes lui ont imposés du douzième au quinzième siècle, V. G. n’ignore pas que St. Louis lui-même fut obligé à diverses reprises de faire saisir les sommes considérables que les Papes prélevaient en France en dépit du pouvoir civil, soit pour entretenir le luxe effréné de leur Cour, soit pour défrayer les dépenses des guerres injustes, et quelquefois même abominables dans leurs moyens comme dans leur but, qu’ils ne cessaient de susciter. St. Louis faisait donc saisir, en dépit des excommunications ipso facto, les deniers prélevés sans sa permission que l’on acheminait sous escorte vers Rome ; et il informait en même temps le Pape qu’il ne pouvait tolérer que l’on appauvrît le Royaume pour satisfaire la cupidité des ecclésiastiques ! St. Louis serait donc un gallican obstiné, donc hérétique, d’après le prêtre du Nouveau Monde, et n’aurait jamais dû passer la porte du Ciel. Au reste je ne désespère pas de voir la