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sainte feuille nous le dire un jour et administrer une rebuffade à St. Pierre pour avoir laissé entrer ce gallican !  ! Il n’y avait pas un gouvernement en Europe, à cette époque, qui n’eût à se prémunir contre l’avidité du fisc romain, et St. Louis était à la tête de ceux qui résistaient aux Papes ! On peut donc croire qu’ils se trompent quelquefois, et qu’on peut leur résister sans être digne de l’enfer puisque St. Louis est en paradis.

De ce que ces abus ne pourraient plus revenir aujourd’hui avec la même intensité de misères pour ceux qui en souffraient, il n’en est pas moins à propos, quand on en voit surgir un, de le signaler de suite afin de ne pas trop le laisser grandir, car on sait que quand l’Église tient quelque chose, elle ne lâche pas facilement prise. Si l’on commence à permettre au Clergé de sortir du système volontaire pour se créer les suppléments de revenus dont il dit avoir besoin, et cela sans se donner jamais la peine de le prouver aux intéressés, vu sans doute que les laïcs doivent obéir au prêtre à son premier signe et sans oser jamais scruter son intention ni réfléchir sur son ordre, il ne s’écoulera pas vingt ans avant que les plus graves abus ne se fassent jour. Il ne serait pourtant que de simple convenance, quand un besoin est si grand qu’il faut exiger des contributions sous peine de refus de sépulture, que l’on voulût bien au moins condescendre à expliquer la nature et les raisons du besoin où l’on se trouve. Mais on a si bien façonné les laïcs à ne rien examiner, que l’on ne se donne même plus la peine de leur expliquer pourquoi on prend dans leur poche. On exige toujours et l’on ne rend jamais compte de rien.

Si le Clergé n’a pas assez du vingt sixième de la production totale du pays en céréales, que lui faut-il donc ? Est-ce que quatre cent ou quatre cent cinquante célibataires ne sauraient vivre sur une portion de production qui représente plus de $600,000 de revenu annuel, ce qui assure à chaque curé en moyenne plus de $1,300 ? Admettons qu’il ne soient pas très régulièrement payés et déduisons un tiers ; il reste encore aux curés en moyenne plus de deux cents louis de revenu. On me dira que quelques-uns ont trop et les autres pas assez. Pourquoi alors le Clergé ne fait-il pas les compensations voulues ? Quant à nous, nous ne pouvons clairement juger cette question que sur les moyennes.

Maintenant si les dîmes ne suffisent réellement pas à l’entretien du Clergé, rien ne l’empêche d’y renoncer et de s’adresser à l’État, et celui-ci verra alors ce qu’il y aura à faire. Je sais que rien n’irrite un ultramontain comme de lui dire : « Adressez-vous à l’État, » puisque sa prétention est que l’État doit se trouver orgueilleux de faire tout ce que veut l’Église ; mais de cette intelligente théorie à ce qui est possible en pratique, il y a loin. Et ce n’est clairement pas au Clergé qu’il appartient de déterminer seul et sans le concours de la Législature le quantum de son revenu et son mode de perception ; car il ne saurait être juge dans sa propre cause. On sait trop bien ce qui arrive quand il l’est.

Et malgré toutes les affirmations ultramontaines, il ne peut évidemment posséder que sur autorisation de l’État puisqu’il faut de toute nécessité que ses rapports avec les individus soient définis par la loi et que ses transactions d’affaires donnant lieu à litige ressortent des tribunaux. Les ignorants ont beau dire que l’Église doit pouvoir acquérir et posséder en dehors de toute intervention de l’État ; du moment que l’on en vient au fonctionnement pratique, à la délimitation des droits, au partage des biens de succession qui pourront échoir en partie au Clergé, au mode d’imposition et de perception de ses revenus temporels, aux charges publiques dont ses propriétés devront être grevées, et surtout à la grande question de la main-morte, c’est-à-dire de l’accaparement constant des biens par un corps qui acquiert toujours et ne se dessaisit jamais, il faut nécessairement que quelqu’un décide et des droits du Clergé et