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« Celui qui est appelé à l’épiscopat est appelé non au commandement (des hommes) mais au service de l’Église. Voilà ce que la parole de Dieu nous enseigne. Et nous, méprisant les instructions de Jésus, nous surpassons quelquefois le faste des mauvais princes payens. On voit en plusieurs églises ceux qui conduisent le peuple de Dieu user de menaces dures et ne garder aucune égalité avec les meilleurs disciples de Jésus. Dieu veut que les crimes soient punis, mais par les juges séculiers et non par les Évêques. Un Évêque pèche contre Dieu si, au lieu de servir ses frères comme étant serviteurs du même maître, il les traite lui-même en maître ! Les scandales dans l’Église viennent des mauvais pasteurs qui ne cherchent que la vaine gloire et le profit temporel. Que celui qui gouverne une Église soit tout occupé des soins spirituels et point du tout du temporel. »

St. Augustin disait de son côté : « Nous ne devons point souhaiter ce que Jésus Christ a méprisé. »

Et le pape St. Gélase est aussi très explicite sur ce point : « Je veux croire qu’avant la venue de J. C. quelques uns aient été en figure rois et prêtres en même temps, comme Melchisedech, ce que le démon a imité, en sorte que les Empereurs Romains prenaient aussi le nom de Souverain Pontife. Mais quand on est venu à celui qui était véritablement Pontife et Roi tout ensemble, l’Empereur n’a plus pris le nom de Pontife et le Pontife ne s’est plus attribué la dignité royale… Dieu connaissant la faillibilité humaine et voulant sauver les siens par l’humilité, a séparé les fonctions de l’une et de l’autre puissance. »

Voilà donc un Pape, Mgr, qui nous apprend que l’union des deux puissances est une imitation du démon ! Grégoire VII, s’appuyant sur les fausses décrétales, nous dit précisément le contraire. Lequel devons-nous croire des deux Papes ; celui qui exprimait l’esprit de l’Évangile, ou celui qui imposait une doctrine uniquement basée sur des pièces fausses ? Lequel des deux exprimait la discipline primitive de l’Église ?

Voici qui va décider. St. Bernard, né six ans après la mort de Grégoire VII, et qui arrivait dans un monde tout saturé en quelque sorte des erreurs de ce pape sur la domination temporelle du Clergé, rétablit la vraie doctrine dans ses représentations à Eugène III. « Je vois bien, dit-il, que les apôtres ont été présentés pour être jugés, mais je ne vois pas qu’ils se soient assis comme juges. C’est pour juger les péchés et non les affaires temporelles que vous avez reçu les clés du Royaume des Cieux. Les choses terrestres ont leurs juges qui sont les rois et les princes de la terre. Pourquoi entreprenez-vous sur le partage d’autrui ?… Vos devoirs sont un ministère et non une domination. Les Apôtres vous ont laissé le soin des Églises, mais non pas de l’or et de l’argent. Si vous en avez, ce n’est pas comme leur successeur, mais à quelqu’autre titre. Nous ne voyons pas que St. Pierre ait jamais paru en public couvert d’or et de pierreries, monté sur un cheval blanc, environné de soldats et d’officiers marchant à grand fracas… » Et ailleurs : « Dites-moi, Pontifes, que fait l’or dans le frein de vos chevaux ? En vain me tairais-je ! La voix des pauvres crie contre vous. Ceux qui sont nus crient : Ceux qui ont faim crient : L’or de vos freins ne nous empêcherait-il pas de mourir de faim ? »

Le débat sur ces graves questions, Mgr, est sans doute loin d’être clos, mais il est parfaitement certain que sur le principe de l’indépendance du pouvoir civil, la raison ecclésiastique devra à la longue céder le pas à la raison laïque, plus éclairée et plus compétente quoiqu’en disent les orgueilleux qui nous doivent l’exemple de l’humilité ; et quoiqu’on disent aussi « les violents » qui scandalisent les peuples en « désirant ce que Jésus-Christ a méprisé. »

Ces principes posés et ces exemples admis, car je ne suppose pas que V. G. les récuse, aucun homme sensé ne peut voir sans alarme un Évêque avoir recours à la coercition religieuse et aux menaces de peines ecclésiastiques pour créer au Clergé des suppléments de revenu ; car c’est là une violation