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La domination temporelle ne lui a pas été donnée.

« Mon royaume n’est pas de ce monde. » « Rendez à César ce qui est à César. » « Qui m’a établi pour juger vos différends ? » « Les rois des nations les gouvernent avec empire, il n’en sera pas ainsi parmi vous. »

« Celui qui est enrôlé au service de Dieu ne s’embarrasse pas des affaires séculières. » (2me Paul à Thimothée, ii, 3, 4.)

Ni les Évêques ni les prêtres ne doivent se charger du soin des affaires temporelles sous peine d’être rejetés des ordres. (6me Canon apostolique.)

Pourquoi le Clergé se met-il constamment en contradiction avec tous les principes et tous les textes ? Il n’y a pas une de ses prétentions à la domination temporelle qui ne soit formellement condamnée par l’Évangile et toute la discipline des premiers siècles. Pourquoi jeter toujours ainsi le défi à sa propre règle ? Pourquoi sembler prendre à tache de démontrer aux laïcs que le Clergé fait trop volontiers fi de cette règle quand l’ambition de la hiérarchie est en jeu ? Pourquoi créer sans cesse l’impression que l’application des règles dépend uniquement des passions du Clergé, et que tout en les prêchant aux autres il sait fort bien s’en affranchir au besoin ? Sur nombre de questions le Clergé met de côté l’esprit pour s’en tenir à la lettre ; mais sur celle de la domination temporelle il viole entièrement et absolument et la lettre et l’esprit !  !

Je ne saurais terminer sans faire une courte allusion à l’édifiante lettre de Mgr de Birtha au Rév. M. Cazeau, en date du 15 Mars 1870, et publiée dans le Franc Parleur de Samedi dernier.[1] Je viens justement de la lire, et j’y vois une nouvelle preuve de la manière dont les prêtres se traitent entre eux hors de la vue des laïcs. Ces moqueries amères, cet antagonisme hautain, ce persiflage impitoyable d’ecclésiastique à ecclésiastique, nous montrent non-seulement ce qu’ils pensent au fond les uns des autres, mais avec combien de réserve nous devons accepter tous ces pompeux éloges, tous ces compliments réciproques en apparence si profondément sentis, que s’adressent si volontiers en public ceux qui se mordent ainsi jusqu’au sang derrière les grilles de leurs maisons. Ce bon peuple est toujours ravi de voir comme on s’aime dans le Seigneur en sa présence ; mais s’il passait derrière les impénétrables grilles et s’il voyait « les violents » à l’œuvre entre eux, comme il tomberait de haut, grand Dieu !

On veut que nous respections le prêtre à l’égal de Dieu — celui qui vous méprise me méprise, etc., etc., — et où trouve-t-on les plus remarquables exemples de mépris du prêtre ? Chez les prêtres eux-mêmes ! Depuis trois mois nous les voyons tirer à mitraille les uns sur les autres et le champ de bataille est couvert de réputations mortes ou blessées. Les hommes les plus éminents du Clergé ont été cruellement insultés ; les caractères les plus irréprochables ont été déloyalement assaillis ; de jeunes prêtres ont jeté la moquerie et le persifflage à la figure d’autres prêtres vieillis sous le harnais, et cela parcequ’ils avaient eu le tort, absolument satanique, de parler prudence et modération aux fous ; et toutes ces violences morales se sont faites au nom de celui qui est venu dire : Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! Ah, Mgr, l’ultramontanisme semble être la paix en religion comme l’Empire était la paix en politique ! !

Franchement je ne vois plus qu’un moyen de ramener le calme au sein au sacerdoce. Ce serait la création d’une commission laïque qui mettrait tranquillement les saintes parties dos à dos.

Je prie encore une fois Votre Grandeur de me croire

Son bien obéissant serviteur,
L. A. Dessaulles.
  1. 8 Février 73.