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des bons principes ne manqueront pas de nous affirmer en présence de Dieu qu’il n’en est plus ainsi aujourd’hui. Le droit divin varierait-il donc ? Voyons un peu.

Il y a un canoniste en France que l’on nous qualifie souvent d’illustre. C’est M. l’abbé Maupied, missionnaire apostolique, chanoine honoraire de Reims, docteur en théologie et en droit canonique de l’université romaine, etc., etc. Voilà un homme qui doit connaître le droit divin. C’est lui que l’on citait de préférence à tous autres pendant le procès Guibord pour édifier le droit de l’Église sur la ruine de tous les autres droits ; et l’on sait que quand le Nouveau-Monde a dit : Maupied, c’est comme s’il avait récité la loi et les prophètes.

M. le chanoine Maupied a donc réimprimé en 1861 un pamphlet intitulé : Petit catéchisme pour le temps présent ; et vendait cet opuscule cinquante centimes. « C’est 49 centimes de trop, » disait un mauvais plaisant du jour, mais c’était sûrement un impie ! L’impôt du timbre sur cet intéressant opuscule était de 15 centimes ou trois sous. Et que dit à propos de ces trois sous M. le canoniste Maupied, en tête de cette effusion de son ultramontanisme ? Lisons un peu :

« Afin de ne point encourir l’excommunication majeure, sous laquelle tombent tous les violateurs de la divine liberté et des saintes immunités de l’Église, aussi bien que les ecclésiastiques qui consentent à cette violation ; l’auteur déclare et proteste qu’il ne se soumet à l’impôt du timbre et à la juridiction laïque, pour le présent opuscule, que contraint par la nécessité. »

Donc suivant cet illustre canoniste, on est excommunié pour payer un impôt de trois sous au gouvernement sur un pamphlet ultramontain. Chaque acheteur du pamphlet qui n’a pas eu l’adresse de faire un protêt en l’achetant s’est donc trouvé excommunié sans le savoir ! Et s’il s’est vendu 50,000 exemplaires du pamphlet sans protêt de la part des acheteurs, voilà donc 50,000 excommuniés ! Car celui qui paie pour acheter est clairement aussi excommunié que celui qui paie pour vendre ! Allez donc à présent payer des impôts à un gouvernement sans que l’Église vienne voir si l’impôt est régulier ! Excommunication majeure si vous ne faites pas vos réserves en temps opportun !

Mais voilà donc un illustre canoniste qui nous informe très sérieusement que la divine liberté exige que les ecclésiastiques bien pensants soient exempts de l’impôt du timbre sur les produits de leur génie. Car s’il s’agit d’un de ces affreux gallicans qui forment en ce monde le Sanhédrin de l’enfer, d’après le saint des saints de nos journaux, ce serait clairement une vertu que de tripler l’impôt. D’après le même Maupied, il faut donc croire aussi que les « saintes immunités de l’Église » consistent à rejeter sur les laïcs seuls cet infernal impôt. L’ultramontain dira donc tout ce qu’il lui plaira, et personne ne pourra parler que lui sans payer. Ces gens ne sont-ils pas charmants ? Mais tous les gouvernements sont donc excommuniés puisque le timbre se paie partout sur les livres de piété comme sur les autres ! Car enfin si l’illustre Maupied eût payé ses trois sous sans protêt, il l’eût été du coup ! Or le gouvernement qui a reçu les trois sous était bien autrement coupable puisquil violait le droit divin en forçant le dit Maupied de payer ses trois sous ! Eh bien, voilà les misères auxquelles l’ultramontanisme descend pour fanatiser les masses. C’est un crime de faire payer trois sous à un ecclésiastique ! C’est violer la divine liberté ! Faites donc contrôler la législation d’un pays par ces illustres !  !

Au reste voilà la lutte bien ouverte, bien définie entre le pouvoir ecclésiastique et le pouvoir civil. Le défi est nettement jeté à la loi par l’Évêque de Montréal. Il a très formellement signifié aux juges, quoiqu’en termes un peu couverts, qu’il ne céderait pas, et qu’il tiendrait la Législature en échec jusqu’à ce qu’elle passe un autre loi qui lui convienne ! ! Et la preuve que telle était bien son intention c’est qu’il ne veut pas transmettre les régîtres