Page:Dessaulles - La Grande Guerre ecclésiastique. La Comédie infernale et les noces d’or. La suprématie ecclésiastique sur l’ordre temporel, 1873.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 14 —

peuple a cessé de respecter ? Ceux-là seuls qui lui donnent de mauvais exemples, ou qui laissent le sanctuaire pour les luttes ardentes de la politique, ou qui essaient de violenter les consciences individuelles ! On ne citera jamais un prêtre vertueux et dévoué qui aura perdu la confiance du peuple ; et le prêtre qui ne se mêle pas de politique est toujours respecté. Tant pis pour ceux qui ferment volontairement les yeux sur ce fait si patent ! Ceux-là seuls ont perdu la confiance publique que méritaient de la perdre par une conduite anti-sacerdotale. On ne peut pas dire que ce peuple-ci ne pardonne pas assez au prêtre ; au contraire son erreur est de pardonner trop aux « violents. »

Comment veut-on que le respect pour le prêtre ne diminue pas quand on voit les membres du Clergé s’entre déchirer avec tant de conscience dès qu’ils entrent en lutte ? Ce sont des injures formidables ! Un parti est toujours damné par l’autre ! L’hypocrite auteur de la « Comédie Infernale » a fait les prêtres de St. Sulpice plus noirs que leur soutane, tout en les traitant de saints prêtres ! On ne se combat jamais entre prêtres sans se calomnier sans merci !

C’est par exemple le Nouveau-Monde qui, dans des articles où l’on reconnaît la plume du prêtre, traite de gallicans — conséquemment pires que des impies et des athées d’après le mode d’exagération du moment — M. le Grand Vicaire Cazeau et M. l’abbé Paquet. Ceux-ci naturellement crient au mensonge et à la calomnie ; mais, loin, de se retracter, leur clérical adversaire maintient hautement son dire et affirme que ce sont eux qui trompent. Que reste-t-il à faire au spectateur sinon de sourire en voyant des ecclésiastiques ainsi pris aux cheveux ?

C’est encore le Nouveau-Monde, avec un prêtre pour directeur-gérant, qui persiffle à outrance Mgr l’Archevêque de Québec et l’insulte avec un parti pris dont aucun laïc n’eût été capable ! Et pourtant, depuis qu’il occupe le poste éminent auquel il a été appelé, je dois dire que Mgr l’Archevêque a montré un esprit de modération et de sagesse, et surtout un sens de justice auquel nous n’étions plus habitués. Il n’a pas craint, lui, dans l’occasion, de blâmer les écarts de ses prêtres quand ils traînaient la politique jusque dans l’Église. A-t-il perdu dans l’estime publique pour avoir rendu justice à des laïcs qui se plaignaient de prêtres qui s’égaraient ? Loin de là il a vu de suite se reporter sur lui le respect que quelques-uns de ses collègues perdaient graduellement par une conduite contraire. Est-ce donc parce qu’il s’est montré juste et loyal que le Nouveau-Monde l’insulte ?

Mais de quel droit le Nouveau-Monde vient-il nous prêcher le respect idolâtrique du moindre prêtre quand ses colonnes colportent partout le persifflage et l’insulte contre l’Archevêque de Québec ? Ne verrons-nous jamais la fin de ces hypocrisies ?

Et juste au moment où j’écris ceci, on me remet la Minerve de ce matin (27) où je trouve une dernière lettre de MM. Cazeau et Paquet par laquelle il me semble être définitivement démontré que le Nouveau-Monde, fondé par l’Évêché ; soutenu depuis six ans par les prêtres du diocèse ; recommandé constamment au prône dans un grand nombre de paroisses comme le journal religieux par excellence ; toujours rédigé par des prêtres depuis sa fondation, et qui les conserve comme collaborateurs assidus depuis cette transformation qui n’en est une que pour ceux qui regardent toujours sans jamais rien voir ; que le Nouveau-Monde, organe officiel de l’Évêché jusqu’à ces derniers jours et qui continue d’être rédigé selon le cœur de l’Évêché par les plus intimes amis de l’Évêché ;[1] que le Nouveau-Monde enfin, personnification locale de l’ultramontanisme le plus exagéré, a calomnié tout à la fois Mgr l’Archevêque et MM. Cazeau et Paquet, et a sciemment défiguré, tronqué ou inventé tous les faits relatifs à la question qu’il avait soulevée

  1. Il obtenait quelques mois plus tard une lettre formelle d’approbation de Mgr de Montréal. — (Lettre du 4 octobre 1872.)