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tent quelque chose dans le sens clérical, ils savent qu’ils ne l’exécuteront pas !

Et la raison en est toute simple, Mgr. Le monde ne saurait redevenir clérical après les terribles luttes qu’il a subies, les effroyables catastrophes par lesquelles il est passé pour s’affranchir de ce joug. Et toute tentative que le Clergé fera pour obtenir le contrôle de la politique du pays aboutira fatalement à une déception au moment même où l’on croira tenir la chose tant convoitée.

Ma lettre, Mgr, dépasse de beaucoup les bornes que je m’étais prescrites, mais il était, je pense, permis à un homme traité comme je l’ai été de faire un retour sur le passé ; de montrer où ont si gravement failli les hommes qui l’ont condamné avec bien plus de passion que de savoir ; de résumer les antagonismes ardents, les convoitises mal déguisées, les intrigues secrètes ou publiques, et surtout les fautes graves de ceux qui aspirent au contrôle universel et qui se contrôlent si peu eux mêmes qu’ils sont à couteaux tirés les uns avec les autres ; de montrer enfin combien peu s’entendent entre eux les hommes qui se prétendent les seuls guides sûrs de l’intelligence publique, et dont les luttes tantôt sérieuses, tantôt risibles, font que les fidèles ne savent plus à quel saint, ou plutôt à quel Évêque, se vouer.

J’ai montré au Clergé où il s’égare certainement. Je n’ai pas la suffisance de croire que je serai écouté ; car toute l’histoire est là pour montrer que jamais les Clergés ne s’arrêtent, même devant les catastrophes qu’ils ont rendues imminentes. Ils poussent partout leurs avantages jusqu’à ce qu’ils soient brisés. Alors ils crient au malheur des temps quand ils devraient ne se repentir que leur propre orgueil de corps, de leur soif inextinguible de domination et de leur invincible opiniâtreté.

Je sais bien qu’en faisant entendre les vérités que j’ai dites, je me suis suscité quelques haines de plus. Je sais que l’on ne raisonne pas avec l’ultramontanisme qui est l’intolérance en essence ; qui ne permet à personne de penser en dehors du cercle si restreint de l’index, et qui veut que chaque citoyen soit dans la main du prêtre ce qu’est l’enfant de collège, dans la main du professeur, ou le moine devenu cadavre (perindè ac cadaver) dans la main de son supérieur ; mais j’ai cru qu’il était bon de remettre un peu sous les yeux d’un Évêque Canadien les graves considérations que suggère l’état singulier où l’on a fait arriver le pays par une pression politico ecclésiastique, pression qui heureusement se résume aujourd’hui dans le plus parfait brouhaha clérical que l’on ait encore vu ici et qui s’est ainsi nullifiée elle-même.

J’ai l’honneur d’être,
Monseigneur,
De Votre Grandeur,
Le serviteur très obéissant et très
humble,
L. A. Dessaulles.