Page:Dessaulles - La Grande Guerre ecclésiastique. La Comédie infernale et les noces d’or. La suprématie ecclésiastique sur l’ordre temporel, 1873.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

À SA GRANDEUR
MONSEIGNEUR IGNACE BOURGET
Évêque de Montréal

Séparateur


Montréal, 14 décembre 1872.


Monseigneur,


Les renseignements que j’ai reçus de diverses parties du pays, et surtout de ce Diocèse, sur les injures que nombre de curés et de vicaires se sont permis d’adresser du haut de la chaire, pendant les dernières élections, aux candidats qui ne leur convenaient pas, me paraissent justifier non seulement une nouvelle constatation de faits de ma part vis-à-vis de V. G., mais exiger aussi que je lui présente sous un nouveau jour la situation qu’Elle nous a faite par une tactique qui est devenue trop transparente pour que nous ne la comprenions pas enfin telle qu’elle est.

Disposés comme nous l’étions à croire à la sincérité des supérieurs ecclésiastiques dans les mandements où ils recommandaient la neutralité au Clergé, nous avions eu la bonhomie d’espérer, en 1867, que la constatation publique de faits nombreux d’intervention hautement répréhensibles de la part des Curés, en chaire, dans les élections de députés, déciderait les autorités ecclésiastiques à faire cesser cet abus. Les dernières élections nous ont montré combien il est illusoire de compter sur l’esprit de modération des ecclésiastiques, et surtout sur leur esprit de charité. La tactique du Clergé semble être de briser ou d’être brisé, et nous voyons qu’il nous faut accepter cette alternative. Je viens aujourd’hui dire à V. G. en quel sens moi pour un je l’accepte. Puisque la guerre que l’on nous fait est implacable, la défense doit découler de la nature de l’attaque, et puisqu’on nous représente partout comme des gens sans aucune espèce de principes, je ne vois pas après tout pourquoi nous ne montrerions pas un peu, de notre côté, ce qu’est, dans la vie intime et secrète, ce Clergé qui parle tant de ses principes et fait proclamer si haut ses vertus. Qu’il ait des vertus, il serait injuste de le nier ; mais qu’il y fasse, bien plus souvent qu’on ne le croit généralement, de terribles brèches, voilà ce que je me ferais fort de prouver sans dénégation possible.

Que l’intervention du Clergé dans les luttes politiques, surtout dans l’enceinte de l’Église, soit un abus grave, il existe trop de mandements d’Évêques éminents de diverses parties de la catholicité la définissant ainsi pour qu’il soit nécessaire de faire de la logique pour le démontrer. Et ceux qui pensent ainsi sont vraiment les hommes sages et réfléchis dans l’épiscopat ; pendant que nous voyons trop souvent que ce sont ceux qui ne sont ni réfléchis ni sages qui parlent autrement ?

Le simple bon sens dit que le pasteur éloigne de lui ceux avec qui il se met en antagonisme et auxquels il inflige un blâme violent en public parcequ’ils exercent leurs droits de citoyens sans le consulter ou contre son avis. Ce