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paru forte, mais c’est un prêtre sorti de la maison qui me le dit. Or si les membres d’une pareille maison sont ignorants au point qu’un prêtre se sent irrésistiblement poussé par sa conscience — c’est lui qui nous le dit — d’en informer le public, comment ne trouverait-on pas par-ci par-là quelque curé ou vicaire de campagne qui serait affecté du même malheur ? J’ai déjà reproché au Clergé de ce pays un peu d’absence d’études générales et de savoir sur des questions qui le touchent de près, et l’on n’a pas manqué de me traiter d’impie et de maniaque ! En quoi donc étais-je plus impie ou plus maniaque que le prêtre dont je parle, surtout quand je n’avais pas même prononcé le gros mot dont il se sert, mais que j’ai le droit de répéter après lui.

Or nous avons toujours vu avec stupeur qu’aucune espèce de blâme ou de réprimande n’étaient jamais addressés aux prêtres qui se rendaient coupables de ces indécences de langage en pleine église, fait d’autant plus remarquable que l’un des Évêques de la Province, Mgr de Rimouski, subséquemment approuvé par l’Archevêque, vient d’avertir son Clergé que toute intervention politique, en chaire, de la part d’un prêtre, que toute désignation injurieuse, à l’Église, d’un candidat ou d’un parti ; que le conseil ou la défense de voter pour un candidat de la part d’un prêtre dans l’exercice de son ministère, leur étaient absolument interdits ! et, enfin que le mieux, pour les membres du Clergé était de rester complètement neutres, même comme individus, entre les partis. Si Mgr de Rimouski n’a pas eu tort de parler comme il l’a fait, il y a donc des Évêques, et nombre de prêtres en Canada, qui ont de propos délibéré foulé aux pieds toutes les notions de devoir et de conscience. Voilà la cinquième fois en dix ans que ce fait remarquable se produit ; que le Clergé se permet presque partout ce qui lui est absolument interdit ; que des prêtres arrogants ou incapables (et combien y en a t-il) s’arrogent le droit de déverser l’injure à l’Église sur ceux qui ne veulent pas accepter leur direction en politique ; et jamais nous ne voyons les coupables punis ou réprimandés.

C’est un prêtre qui lit un journal en chaire, le commente de manière à montrer la plus grossière ignorance de la politique, et n’en menace pas moins les libéraux de refuser le baptême à leurs enfants et à eux-mêmes les sacrements à la mort ; c’est un autre prêtre qui défend à ses paroissiens d’écouter les libéraux qui viennent représenter leurs candidats et énoncer leurs vues ; c’est un autre qui leur conseille de les chasser à coup de bâtons ; c’est un autre qui les informe gravement qu’écouter seulement un libéral est un péché mortel ; c’est un autre qui, dans un sermon plein de colère et d’insultes, rappelle à ses paroissiens qu’ils sont obligés de soutenir le ministère, coupable ou non, exactement comme on doit soutenir son père ivrogne ou vicieux ; (mais ce même prêtre, l’année précédente, les avait informés qu’ils ne pouvaient en conscience soutenir le ministère libéral qui allait inaugurer l’ère des réformes) c’est un autre qui veut obliger un père à demander pardon à ses enfants du mauvais exemple qu’il leur a donné en votant pour un libéral ; c’est un autre qui ferme violemment la grille du confessionnal à un citoyen de première respectabilité qui lui répond qu’il a voté pour un libéral ! (celui-ci n’y est pas retourné depuis et à qui la faute ? Quel droit avait le confesseur de poser un pareille question à son pénitent ?) c’est un autre qui exige d’une femme sous peine de refus d’absolution qu’elle empêche son mari de voter pour un libéral ; c’est un autre qui, en pleine église, somme Satan, qu’il prétend, en regardant au bas de la chaire, appercevoir au fond des enfers, de comparaître dans l’église et d’en emporter tous les libéraux qu’elle contient ; c’est un autre enfin qui informe une femme enceinte de huit mois que si son mari vote pour un libéral, l’enfant qu’elle porte sera maudit et malheureux toute sa vie !  !  !

Voilà les abominations dont certains prêtres se rendent coupables ! Voilà comme ils abusent impudemment des