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que quelques prêtres ont été blâmés privément de leurs excès en chaire, mais il faut que ce blâme soit singulièrement adouci puisqu’ils recommencent toujours. Et d’ailleurs quel soin l’on prend de cacher aux paroissiens que M. le curé ou M. le vicaire ait reçu une réprimande ! réprimande qui équivaut presque toujours à un encouragement puisqu’il renchérit sur le passé après l’avoir reçue. Ce sont les prêtres libéraux seuls qui ne violentent jamais la conscience de leurs paroissiens. Cela n’indiquerait-il pas qu’ils sont ou plus sincères, ou plus éclairés, ou plus honorables, ou plus consciencieux, ou plus dociles que les autres ? Le libéralisme si anathématisé serait-il donc une cause de moralité même dans l’Église ?

V. G. n’a-t elle pas elle même, dans ses mandements, déclaré que le Clergé devait rester neutre dans les questions politiques ? Comment concilier cette déclaration avec le fait universel de la guerre ardente, acharnée, faite par son propre Clergé à tous les candidats libéraux ? Comment se fait il que sur le chapitre des directions épiscopales relatives à la politique le Clergé se croie si libre de les violer à son gré ? Cela ne prouverait-il pas, par hazard, que l’on parle d’une manière pour sauver les apparences, mais qu’en même temps on marche résolument vers un but que l’on n’avoue pas ? N’est-ce pas d’ailleurs un fait acquis, démontré par un témoignage très précis dans une cause judiciaire d’un district de campagne, que les circulaires secrètes de V. G. au Clergé parlent quelquefois tout autrement que ses lettres pastorales ? Est ce là un échantillon de la sincérité des ecclésiastiques ? La lettre

    sitésite d’une neuvaine à la Ste. Vierge pour éloigner du Parlement un impie comme M. Fabre et y faire entrer un glorieux soutien des bons principes, un puissant protecteur du trône et de l’autel comme M. Caron. Les prières de ces enfants ont donc monté pendant neuf jours comme un parfum agréable au Seigneur. Quand la neuvaine fut finie, on trouva qu’il serait à propos de la faire suivre de l’effet pratique. Les Sœurs s’informèrent donc un jour des enfants à quel parti appartenaient leurs parents. Il fallait connaître les fruits de la neuvaine. À celles qui répondaient. Papa est pour M. Caron ; on répondait affectueusement : « C’est bien mon enfant. » Mais à celles qui étaient forcées de dire, au sortir d’une neuvaine qui avait laissé le père endurci dans sa politique impie : « Papa est pour M. Fabre, » on disait de ce ton pincé que ces dames savent prendre au besoin : « Passez à la queue, mademoiselle ! »

    Bien des gens ne verront là qu’un fait de suprême ridicule ; moi j’y vois toute autre chose.

    Je savais depuis longtemps que dans certains collèges, on discrédite systématiquement aux yeux de leurs enfants les pères libéraux. Certains professeurs se font un plaisir d’humilier les élèves devant leurs confrères en se permettant les plus inconvenantes remarques sur les parents qui veulent maintenir leur droit à leur libre arbitre. Mais qui aurait pu croire que l’on pût porter la passion politique jusqu’à humilier des petites filles aux yeux d’une communauté à cause des opinions politiques de leurs pères ? Ici, l’ineptie le dispute au ridicule !

    Les commandements de Dieu prescrivent le respect des parents ; et voilà comme le Clergé les observe quand sa passion est en jeu ! Un simple vicaire ou un simple professeur de collège se croient en droit de blesser les sentiments des enfants en leur parlant de leur père sur le ton du mépris. Et le soir, ils récitent en pesant bien chaque mot, je suppose : « Père et mère honoreras, etc. »

    Un prêtre dont j’ai déjà parlé ailleurs — celui qui donnait pour pénitence à un père de famille de demander pardon à ses enfants, quand ils seraient réunis à la table à diner, du scandale qu’il leur avait donné en votant pour un libéral — avait dit à l’un des fils même de ce citoyen qui lui avait demandé s’il irait voter avec lui : « N’écoute pas ton père, il te perdra » et cela à propos d’une opinion politique ! Et ce père est l’un des hommes les plus particulièrement respectables que j’aie connus ! Ce prêtre commettait-il une infamie, oui ou non ? Voudra-t-on bien répondre honnêtement à la question au lieu de m’insulter ?

    Voilà donc ce qu’on a fait dans un couvent : On a fait passer à la queue les petites filles des parents libéraux. Les y a-t-on laissées ? Je ne puis le supposer ? Il n’y avait probablement là qu’une petite scène spirituelle organisée pour faire honte aux pères dans la personne de leurs filles ! Quel accroissement d’influence cette lumineuse idée a du donner à la religion !  !

    L’élection du comté de Québec nous a montré une fois de plus ce que c’est que l’obéissance ecclésiastique. L’Archevêque part, et le branle-bas politique s’en suit chez ceux auxquels il est absolument interdit ! Il reste donc acquis que tant que le Clergé ne se sentira pas sous le coup de lois sévères appliquées par des hommes énergiques, il abusera de la religion et se moquera de ce que les Évêques lui disent être son devoir.