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pastorale de V. G. du 1er Janvier 1853, démontrait déjà ce fait remarquable de secrets pour les fidèles ; et c’est un homme qui fait ces choses qui ose mettre en doute la sincérité des autres ! Mais qu’avons nous donc vu au mois d’Août dernier ?

Les élections arrivées, V. G. qui, d’après ses propres mandements aurait dû rester neutre, fait une vraie déclaration de guerre à M. Cartier par sa lettre sur la question des écoles du Nouveau-Brunswick. Tout le monde le comprend ainsi, et ceux qui suivent toujours l’Évêché sur les questions politiques, se rangent avec M. Jetté, le Nouveau Monde en tête, et il est subséquemment approuvé par V. G !  ! Rien ne vient désabuser le public. Je me permettrai de remarquer ici que j’avais trop suivi V. G. dans son action politique pour croire qu’Elle pût jamais soutenir sincèrement, un libéral, et j’attendais la fin avec impatience.

Or M. Cartier connaît son monde ecclésiastique, car il s’en est servi depuis vingt ans pour consolider son pouvoir, et cela au prix du dépeuplement de son pays, dépeuplement qui était certes loin de donner de la force au Clergé, mais celui-ci persiste à ne pas regarder où on le mène et fait cause commune avec lui. Quelques exceptions se sont manifestées cette année mais ne tiraient pas à conséquence.

Depuis longtemps M. Cartier ne voulait pas entendre parler de l’octroi des régîtres aux paroisses canoniques érigées par V. G. et l’on sait la violente opposition qu’il lui a faite jusqu’à Rome. Or l’action du gouvernement sur la question des écoles du Nouveau Brunswick lui ayant plus que jamais rendu V. G. hostile, il chercha un moyen de refaire en partie sa position qu’il croyait gravement compromise par la lettre de V. G. Il alla donc lui rendre visite et si je suis bien informé, lui faire entrevoir la possibilité d’obtenir les régîtres tant désirés. Rien ne pouvait venir plus à propos pour V. G. qui était alors sous l’effet du profond chagrin que lui avait causé le décret de Rome donnant généralement gain de cause au Séminaire. En obtenant les régîtres il lui semblait donner du même coup sur les doigts de ses supérieurs qui n’avaient pas voulu lui donner raison en tout et partout.

Elle sacrifia donc la question des écoles du Nouveau Brunswick à son désir d’obtenir les régîtres, et moyennant la promesse de travailler à les lui faire accorder, elle donna à quelques personnes le Conseil de voter pour M. Cartier et alla lui faire visite. La Minerve annonça ces faits en leur donnant la tournure exigée par l’occasion et n’a jamais été contredite.

Surpris de cette volte-face inattendue, M. Jetté va trouver V. G. avec deux de ses amis politiques, citoyens marquants et catholiques irréprochables, pour savoir si l’assertion de la Minerve était vraie. V. G. ainsi mise au pied du mur tergiverse d’une manière pénible et fait des réponses qui confondent ces messieurs d’étonnement, au point qu’ils Lui en disent vertement leur façon de penser. Mais ils ignoraient alors complètement qu’on eût fait adroitement miroiter aux yeux de V. G. la grosse affaire des régîtres, et ils étaient à cent lieues de soupçonner qu’après avoir si emphatiquement affirmé la complète subordination du pouvoir civil « aux saintes congrégations romaines, » Elle songeât très sérieusement à se servir de ce même pouvoir civil pour contrecarrer une décision des mêmes « saintes congrégations » qui lui déplaisait. Il paraît que tout le monde doit obéir aveuglément « aux saintes congrégations » à l’exception de V. G. Voilà entre parenthèse le grand exemple de soumission qu’Elle nous donne après nous avoir si durement reproché de ne pas accepter un prétendu jugement qui n’en est un que pour les ignorants et qui n’a jamais été en fait qu’une flagrante iniquité et une moquerie de justice.

M. Cartier réussit donc ainsi avec un peu de savoir-faire, à faire souffler à V. G. le froid et le chaud devant le public. Mais le bon sens du peuple — dont, au dire du grand St. Hilaire, les oreilles sont plus saintes que le cœur des pontifes — le bon sens du peuple ne