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pouvait fléchir devant pareille exemple, et M. Cartier fut battu malgré son offre tardive des régîtres, et malgré les conseils de la dernière heure donnés par V. G. d’après la Minerve. Mais aussi V. G. eut une décision judiciaire qu’Elle convoitait ardemment pour agir à Rome contre le décret. Reste à savoir comment une décision obtenue sous pareils auspices et que son auteur semble ne pas avoir osé motiver, pourra être suivie de l’effet pratique.[1]

Mais cette singulière complication d’entrevues, de menées secrètes, d’arrangements intimes, d’intrigues inavouées, et de changements de front si subits, ne montre-t-elle pas un peu combien les ecclésiastiques savent encore mieux que les autres faire bon marché des bienséances de position quand leurs petites convoitises sont en jeu ? Et les laïcs peuvent-ils bien facilement s’empêcher de songer combien souvent la franchise et la sincérité doivent se voiler la face dans les coulisses ecclésiastiques ? Depuis près de deux ans d’ailleurs les laïcs n’en sont ils pas rendus à se demander s’ils ne leur faudra pas quelque jour aller mettre la paix parmi les saints ?

Au reste personne n’ignore que la sincérité n’est pas exactement le point saillant des habitudes ecclésiastiques, témoin par exemple les célèbres instructions secrètes du pape Eugène IV à ses légats au Concile de Bâle, leur conseillant de donner le change aux Princes en soumettant au Concile un projet de réforme de la Cour de Rome, « laquelle réforme ne devrait pas être une vraie réforme, mais seulement une ébauche… » mais je me demande toujours sur quel principe évangélique on a pu baser cette consciencieuse diplomatie.

Je viens donc aujourd’hui signifier respectueusement et fermement tout à la fois à V. G. que nous sommes décidés de mettre fin d’une manière ou d’une autre à ce honteux système d’ostraciser les personnes en pleine église au moyen de la calomnie érigée en tactique, et de jeter systématiquement le discrédit sur le seul parti qui compte dans son sein les hommes qui ne sont pas notoirement contaminés par la corruption, l’abus de confiance, le parjure politique, le mensonge officiel, l’autorisation du pillage des deniers publics, et la trahison et la vente de tous les droits du pays. Voilà la peinture vraie du parti que le Clergé a toujours soutenu, et celui qui vous parle ainsi, Mgr, en sait bien long, par les recherches qu’il a faites et les informations qu’il a reçues, sur ce parti et les hommes qui le composent ; et il connaît bien des choses encore secrètes qui montreront bien clairement ce qu’il a toujours été en intention comme en fait. Comme c’est un libéral qui lui parle ainsi, V. G. sera sans doute portée à faire ses réserves sur ce que je lui dis ici ; mais Elle pourrait peut-être repasser dans son esprit ce que lui a dit, pendant les dernières élections, dans cette entrevue à laquelle je viens de faire allusion et dont on a beaucoup parlé dans certains cercles, un des hommes les plus éminents de Montréal tant par son intelligence et son savoir que par sa modération bien connue, et de plus catholique irréprochable.

Quand un homme comme celui-là va jusqu’à rappeler à V. G. qu’Elle apprécie mal la situation politique, qu’Elle ne voit pas où l’on mène le pays, qu’Elle n’a jamais soutenu que les mauvais gouvernements et que le Clergé se prépare de cruelles déceptions par la ligne de conduite dans laquelle il persiste malgré l’évidence des faits et des preuves, il semble que V. G. pourrait au moins se donner la peine de réfléchir un peu sur ce que lui a dit un homme de cette valeur.

Et qu’il soit bien entendu ici que les libéraux, ceux au moins qui sont sérieux et sensés, ne demandent nullement l’aide ni l’approbation du Clergé ! Nous ne demandons que son abstention des luttes politiques, et surtout qu’il ne fasse pas de la chaire un lieu de propagande des principes du torys-

  1. Cette décision est restée non avenue, et une décision différente est intervenue depuis, donnée par un autre juge.