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me et un moyen de couvrir la calomnie contre les personnes du manteau de la religion ! Nous demandons qu’il s’abstienne de l’injure, et de la calomnie des hommes politiques, dans la chaire. Nous lui demandons de respecter la religion qu’il prêche au lieu de la prostituer au soutien d’un parti. Nous lui demandons surtout de ne pas parler d’une manière pour agir ensuite en sens opposé ; de ne pas se dire neutre tout en se faisant partisan fanatique. Après tout, quand nous ne lui demandons que de la sincérité et de la modération, de la charité et le simple bon sens ordinaire, cette demande n’est pas absolument intolérable.

Nous avons souffert bien longtemps l’odieuse conduite d’une grande partie du Clergé vis-à-vis de nous, essayant de le rappeler par la discussion au sentiment des convenances ; et nous avons vu V. G. défendre la réception et la lecture d’un journal qui ne se donnait certainement aucun tort : 1o en répétant ce que tant d’Évêques — et tout dernièrement encore l’illustre Évêque de Perpignan, l’un des hommes sages et éclairés du Concile — ont dit de l’intervention du prêtre dans la politique ; 2o en prenant personnellement à partie devant le public les prêtres qui avaient commis les plus graves écarts publics. V. G. a poussé les choses au point d’intimider le journalisme, qui ne vit, comme de raison, que des abonnés dont elle contrôle beaucoup les opinions et les actes politiques, et qui ne sont pas assez éclairés pour savoir où et quand le prêtre s’égare.

Eh bien, Mgr, il reste quelques hommes sur lesquels les systèmes d’intimidation, quelque bien combinés qu’ils soient, n’ont aucune prise, et je me fais une gloire d’en être un. Je ne crains qu’une seule chose, c’est que la raison et le vrai soient contre moi. Quand j’ai pu me convaincre honnêtement qu’ils sont avec moi, le reste m’importe peu, quelles que soient les influences qui se liguent ensemble pour maintenir le faux et l’arbitraire. La presse ayant consenti à se laisser momentanément bâillonner, il n’est pas possible aux hommes qui repoussent l’esclavage de l’esprit de subir toujours en silence les insultes que des curés arrogants, et quelquefois peu respectables personnellement, leur adressent lâchement là où ils ne peuvent pas répondre[1]. Et le temps semble n’être pas éloigné où il nous faudra dire à ceux qui s’oublient si gravement : « Voyons, Messieurs, regardons-nous bien en face et sachons enfin qui doit baisser le front devant l’autre sur le chapitre de la moralité personnelle. »

Nous espérions donc depuis longtemps que les supérieurs ecclésiastiques finiraient par faire leur devoir et que les plaintes des intéressés et des calomniés auraient quelqu’effet sur eux, mais nous voyons de plus en plus que quand il s’agit de sa suprématie hiérarchique, le Clergé fait bon marché des devoirs les plus évidents et des obligations les plus sacrées. Nous voyons aussi les supérieurs ecclésiastiques s’obstiner à fermer les yeux sur mille choses que les prêtres raisonnables et sincères admettent être des écarts graves et que des Évêques ont flétries. Nous aurions donc dû être écoutés au lieu d’être repoussés et insultés de nouveau quand nous demandions des choses justes. Nous n’avions certainement pas tort puisque tant de prêtres sensés ici même blâment les écarts dont nous nous plaignons, et gémissent de la conduite anti-évangélique de leurs confrères. Des prêtres étrangers, des Évêques même ont dit en apprenant les écarts dont je parle ici : « Si vos Évêques s’imaginent donner de la force à la religion par ces moyens, bien grande est leur erreur et bien terrible est leur responsabilité. » De pareils aveux prouvent-ils que nous seuls avons certainement tort et que ce sont nos calomnia-

  1. Le fait est que quand un citoyen est attaqué en chaire par un curé, et désigné de manière à être reconnu par l’auditoire, il pourrait fort bien se lever dans son banc et inviter tranquillement le prêtre à respecter le lieu saint. Cela s’est déjà fait, et si on le faisait plus souvent le Clergé serait bientôt mis à la raison. Beaucoup de curés ne sont si arrogants dans leurs sermons que parce qu’ils comptent sur le manque d’énergie des gens.