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leurs en rabats, surplis et chasuble qui ont certainement raison ?

Nous en sommes donc réduits, par la détermination apparente des Évêques à laisser le champ libre à la violation constante de toutes les convenances religieuses et sociales, à adopter tel système de défense qui nous permettra de punir nos agresseurs suivant leurs mérites. C’est moi qui porte ici la parole, mais V. G. peut être persuadée que je ne suis pas seul et que je suis cordialement approuvé et soutenu par tout ce qu’il y a d’esprit fermes et de caractères indépendants dans la province ; par tous ceux enfin que le souffle de l’absolutisme ultramontain n’a pas nullifiés et flétris.

Voici donc ce que je me permets de soumettre à V. G.

On nous traite de révolutionnaires, de communistes, de renégats etc., etc. Personne n’ignore que ces injures n’ont aucune raison d’être, ne sont pas le moins du monde applicables à ceux auxquels on les addresse, et ne sont basées sur aucun fait, aucune donnée sérieuse. On sait qu’elles n’ont d’autre but que de discréditer systématiquement aux yeux de la masse ignorante un parti qui a des principes politiques sains et justes au profit d’un parti qui n’a subsisté jusqu’à présent, malgré ses pillages, ses corruptions, ses hypocrisies et ses parjures, que grâce au support actif et dévoué du Clergé qui, au fond, n’a jamais songé qu’à le forcer un jour ou l’autre de reconnaître le principe de la sujétion de l’État à l’Église. Tout cela n’est clairement que de la tactique politico-religieuse basée sur la calomnie préméditée des personnes ; mais celui qui a un peu d’histoire ecclésiastique en tête sait ce que le Clergé peut dire de ceux qu’il n’aime pas, et quel riche vocabulaire d’injures il tient en réserve pour les cas où ses prétentions, temporelles surtout, ne sont pas admises.

Mais au moins les hommes que l’on se permet de traiter comme je viens de le dire sont-ils regardés comme de mauvais citoyens parmi nous ? Loin de là. Presque tous sont des hommes qui depuis trente ans résistent à l’oppression politique et à la corruption gouvernementale, et luttent avec courage contre un gouvernement dont les fautes administratives ont dépeuplé le Bas-Canada ; des hommes qui n’ont pu être achetés par des offres brillantes ; des hommes qui auraient obtenu ce qu’ils auraient voulu s’ils eussent consenti d’entrer dans le camp du mensonge officiel et du pillage du coffre public ; des hommes enfin qui ont souvent eu l’abnégation de compromettre leur fortune personnelle plutôt que de céder aux obsessions des hommes au pouvoir. Sûrement de pareils hommes avaient quelque droit de se croire à l’abri des insultes des curés ! Et dans leur vie privée que sont-ils ? Donnent-ils de mauvais exemples dans leurs rapports sociaux, dans leurs habitudes privées et dans leurs mœurs ? Ne peuvent-ils pas regarder de bien haut sous ces divers rapports nombre d’hommes que le Clergé leur préfère ? Je ne saurais entrer ici dans beaucoup de particularités, mais je puis toujours rappeler à V. G. les scandales publics d’ivrognerie et d’immoralité donnés depuis vingt ans par plusieurs des hommes au pouvoir, scandales sur lesquels le Clergé ferme les yeux pour insulter en toute occasion ceux qui n’en ont donné aucun.

Le Clergé n’a pas d’expressions assez dures, assez insultantes pour nous ; mais quelle tendre indulgence, quelle paternelle bonté il a montrées envers cette sainte petite cohorte de rédacteurs à bons principes des journaux religieux qui, un beau dimanche matin, pendant la grande messe, allaient en vue des édifices parlementaires se baigner nus avec des femmes nues, avec lesquelles ils faisaient le soir, chez l’un d’eux, une orgie qui a provoqué les plus vives plaintes des voisins et du Curé ? Quels cris aurions-nous entendus si les intéressants baigneurs eussent été des libéraux ! Mais c’étaient des jeunes gens bien dressés et bien façonnés à parler contre leur pensée intime, et les maîtres ont complaisamment fermé les yeux sur l’énorme escapade des élèves. Quand on défend la religion, on peut bien s’amu-