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ser un tantinet pendant la messe. Voilà comme le prêtre pardonne tout à celui qui se fait son instrument, puis se retourne pour calomnier sans merci celui qui veut rester indépendant et libre.

Eh bien, Mgr, quand un prêtre, sans aucune espèce de droit, ni même de prétexte plausible, injurie ou calomnie en chaire un candidat ou un citoyen respectable pour le seul motif que sa politique lui déplaît (et combien de curés, et toujours les plus arrogants dans leurs sermons politiques, ne connaissent absolument rien de la politique du pays) ne mériterait-il pas un peu que l’on retournât les cartes sur lui en montrant au peuple ce qu’il est le plus souvent ? Car c’est un fait très-remarquable, et qui est strictement vrai en règle générale, que ce sont presque toujours les prêtres aux mauvaises habitudes et aux mœurs libres qui sont les plus violents et les plus fanatiques à l’église contre ceux qu’ils combattent au point de vue politique. J’ai souvent conclu à une conduite secrète coupable chez les prêtres que je voyais se faire insulteurs ou calomniateurs en chaire, et dans un grand nombre de cas j’ai pu constater que j’avais eu raison et que mes premiers soupçons étaient fondés.

Plus un prêtre est exagéré, ou brutal dans son langage, contre ceux dont il se fait l’adversaire politique, plus il est probable, je devrais presque dire certain, qu’il a quelque chose de grave à se faire pardonner.

C’est là sa manière à lui de faire sa cour à ceux qui doivent scruter sa conduite. Par son zèle contre ceux qu’il qualifie « d’impies, » il espère obtenir plus d’indulgence pour les petites négligences et les chères petites fautes secrètes dont il se sent coupable. Et quant au peuple, comment soupçonnerait-il d’inconduite cet homme si austère en paroles, que le zèle pour la religion inspire et emporte, et qui, s’il va un peu loin, ne semble mu que par l’unique motif de la plus grande gloire de Dieu ? La chose est impossible, et ceux qui osent dire quelque chose contre ce saint homme que la religion trouve toujours sur la brèche pour la défendre, sont nécessairement des ennemis de cette même religion qui a le bonheur de posséder un si noble enfant !

J’ai en ma possession tant de faits de la plus terrible gravité au soutien de l’appréciation que je me permets de faire ici des prêtres politiques, que je ne crains pas de dire que l’on peut presque toujours hardiment conclure des sermons politiques violents aux mœurs douteuses de leurs auteurs. L’un est presque toujours le corollaire de l’autre. Et c’est un autre fait tout aussi remarquable que j’ai rarement découvert rien de sérieux à la charge des prêtres modérés et sages qui ne violentent point la conscience de leurs paroissiens. Cela est tout naturel, du reste, puisqu’étant sages sur le chapitre de l’intervention du prêtre dans la politique il serait étrange qu’ils ne le fussent pas aussi dans les autres détails de leur conduite. Dans le Clergé comme ailleurs, la sagesse sur un point forme une présomption légitime pour tous les autres ; de même que l’oubli de tous les devoirs et des plus simples règles du bon sens sur un point important des rapports avec autrui doit naturellement faire présumer que l’on n’est pas plus particulier sur le reste. Et je répète que j’ai en ma possession des faits très nombreux et très graves au soutien de ce point de vue. Car il y a longtemps que je comprends, d’après les tendances dominatrices que je vois se développer si rapidement dans le Clergé, que nous marchons à une lutte grave, dans laquelle plusieurs succomberont peut-être avant qu’il ne soit refoulé dans le sanctuaire, mais qui ici comme ailleurs, finira nécessairement par la victoire du laïcisme, c’est à dire de la souveraineté nationale, sur le cléricalisme, qui se résume finalement dans le despotisme d’un homme. Et prévoyant cette lutte, je me suis préparé à la faire non avec de simples déclamations, mais avec des faits tangibles soutenus de preuves indéniables. J’ai donc étudié spécialement l’action sociale du clergé dans ce pays ; je l’ai suivi non seulement sur