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En vérité, Mgr, tout ce que nous voyons depuis un certain temps pourrait nous faire croire que les ecclésiastiques ne sont sincères que par colère ou par rancune !

Mais continuons de prendre acte des informations que mon prêtre me procure. Il nous informe que l’on a obtenu (il y a trois ans) deux circulaires d’Évêques contre des écrits irréprochables ! Ah ! j’ai donc des compagnons ! Et ces compagnons, je les trouve dans le Clergé ! Et c’est un prêtre qui me procure cette consolation ! Je l’en remercie de tout cœur, mais cela s’obtient donc quelquefois ! Et si j’en crois un autre prêtre, cela s’obtient même ailleurs qu’ici. Disant un jour un peu plus de vérité qu’on ne l’eût voulu, ce prêtre affirmait à un auditoire nombreux : « qu’il était quelquefois très difficile, pour ne pas dire impossible, de découvrir pourquoi certains livres étaient mis à l’index. » Je m’en doutais bien un peu depuis que j’y ai été mis moi même sans avoir jamais pu savoir pourquoi. Et quand on a étudié la marche de l’index depuis Paul IV, on comprend parfaitement le but véritable de son réorganisateur. Le renseignement que m’avait donné ce prêtre m’avait donc fait un certain plaisir ; mais aussi il a pu comprendre depuis ce que l’on gagne à dévoiler certains mystères aux yeux profanes.

Voilà donc deux circulaires d’Évêques condamnant des écrits irréprochables. Aussi un Évêque d’Italie, membre de l’Index, lui a t-il, toujours d’après mon informateur prêtre, sérieusement fait la leçon. Ce membre de l’index écrit donc ici, parait-il : « L’insensée dernière circulaire de l’Archevêque de Québec, qui lance plus de foudres qu’un Jupiter Olympien, m’a fait véritablement horreur… »

Ah ! mais il y a donc des circulaires d’Archevêques ou d’Évêques qui peuvent être insensées au point de faire horreur ! Et c’est un Évêque d’Italie[1] qui nous l’assure ! Si un laïc nous disait pareille chose, nous devrions repousser l’assertion avec horreur. Mais c’est un Évêque, membre d’une sainte congrégation ! Dire qu’il ne sait ce qu’il dit serait une autre horreur ! Nous voilà donc placés entre deux horreurs ! Laquelle allons-nous choisir ?

Ah ! Mgr, quelles remarquables différences nous observons quelquefois entre les rapports entre ecclésiastiques en présence des fidèles ou derrière le rideau ! Devant les laïcs on épuise consciencieusement toutes les formules de l’éloge, et même de la flatterie ; mais quand on se sait bien seuls, derrière des portes bien fermées, ou quand on s’écrit en confidence, quels coups de dents formidables ! Sans la guerre sainte dont nous sommes les témoins attentifs au-delà de toute expression, jamais pareil mot n’eût vu le jour et il serait à jamais resté enfoui dans les profondeurs de la discrétion ecclésiastique, si absolue tant que la discorde ne souffle pas sur le lutrin. Celui qui a répété ce mot pour l’information de notre public vient d’ailleurs de convenir qu’il a eu un très grand tort de le citer.

Mais puisque la circulaire de l’Archevêque défunt a fait tant d’horreur à un Évêque italien, malgré son habitude de toutes les formes de l’anathème, pourquoi donc certaines Annonces où l’on nous parlait faussement du « monstre affreux du rationalisme levant sa tête hideuse et répandant son venin infect avec répétition des blasphèmes déjà sortis d’une chaire de pestilence… » pourquoi donc, dis-je, ces Annonces épiscopales si chargés de colère et d’insulte, et d’où la mansuétude pastorale est si rigoureusement bannie, ne nous auraient-elles pas fait un peu horreur aussi ? Qu’on nous montre donc un seul laïc sérieux, honorable et instruit, écrivant dans un style aussi saturé d’injure et de passion que ces deux seules lignes de style épiscopal ![2] Ah ! Mgr, au temps où les Évêques avaient une crosse de bois, ils n’écrivaient pas ainsi ! Et de quoi

  1. L’Évêque d’Aquila (Nouveau Monde du 11 Janvier 1873.)
  2. Dues à la plume de Sa Grandeur et à mon adresse.