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qu’il était grand temps pour nous de songer à créer l’enseignement supérieur laïc, qu’aurait-il donc pu dire autre chose ? Puisque l’enseignement scientifique est faible au point où nous le voyons, et l’enseignement religieux nul ou dangereux dans notre plus grande institution ecclésiastique, il est bien évident que le Clergé ne peut plus réclamer le droit d’être le corps enseignant par excellence. Ce sont des prêtres qui viennent nous informer qu’à l’Université Laval on développe de mauvais germes chez les jeunes gens, et qu’ils font fausse route par suite des principes qu’on leur inculque. Or depuis vingt ans que cela se fait, nous n’avons entendu que des éloges de l’Université Laval par les Évêques et par V. G. elle même. Et un prêtre qu’Elle ne désavoue pas vient nous apprendre que depuis plusieurs années V. G. ne veut pas d’une branche de l’Université Laval à Montréal parcequ’on ne veut pas lui laisser le contrôle absolu d’un enseignement qu’Elle juge mauvais et dangereux ! Quand donc alors V. G. était-elle sincère ? Est-ce quand Elle nous disait que cette université était une institution précieuse à la religion, ou quand Elle ne veut pas entendre parler de laisser s’implanter parmi nous cette précieuse institution ?

Car enfin, Mgr, c’est une pénible chose pour des laïcs que d’en être rendus à se demander à chaque instant si un ecclésiastique qui leur parle pense vraiment ce qu’il dit ! Nous avons bien quelquefois et en toute connaissance de cause traité d’hypocrites quelques valets laïcs du Clergé, mais nous n’avions jamais mis en doute la bonne foi de ses membres en règle générale. Et voilà qu’aujourd’hui un prêtre non désavoué par V. G. vient nous faire le plus complet tableau suivant lui des pantomimes hypocrites des Messieurs de St. Sulpice ! Ces Messieurs, paraît-il, auraient un talent hors ligne à « simuler le juste souffrant la persécution par amour de la justice. » Ils savent prendre, quand l’occasion le requiert, un air béat, un ton triste et bénin, joignent les mains avec ferveur, et lèvent les yeux au ciel comme ces martyrs pour dire ces simples mots : « Ah ! si nous n’étions pas si riches, on nous laisserait bien en paix ! »

Eh bien, nous ne savions rien de tout cela, et c’est un prêtre qui nous l’apprend ! Un laïc pouvait être récusable, mais un prêtre l’est-il en pareille matière, surtout quand il écrit dans le propre journal de son Évêque pour mettre ainsi ses confrères sur le même plan que Tartuffe ? Et c’est la même chose au Séminaire de Québec. On y est complètement sous l’empire de l’orgueil, le plus capital des péchés capitaux ; et l’orgueil se double toujours d’hypocrisie, dans l’opinion de mon professeur d’exégèse cléricale. Ce qui le prouve « c’est que l’on veut y être cru infaillible. » En effet si ce n’est pas là une hypocrisie, je me demande ce qui le sera. Car si nous possédons ainsi des infaillibles dans chaque recoin de chaque pays catholique, Dieu n’aurait donc pas seulement fait l’homme à son image, mais il l’aurait fait semblable à lui, qui n’est infaillible que parce qu’il est Dieu !  ! Ah ! Mgr quand nous suivons d’un peu près certains de ses ministres, nous comprenons bien l’impiété de la prétention !  !

J’en étais là Mgr, quand on m’a remis ce matin (11 Déc.) la lettre de V. G. publiée dans le Nouveau Monde du 9. Tiens ! me suis je dit, est-ce que mon prêtre serait désavoué ? Mais j’ai vu qu’il n’en était rien, et que cette lettre était le digne couronnement de tout de qui l’a précédé. Parlons en donc un peu.

Depuis près de quinze ans, Mgr, que nous sommes en lutte, V. G. pour détruire toute liberté de penser et toute expression d’opinion indépendante dans notre société, et nous pour revendiquer les droits imprescriptibles de la raison humaine, celui entre autres d’examiner bien tout, comme le conseille St. Paul ; un certain échange d’idées a nécessairement eu lieu. V. G. a reprouvé notre bibliothèque comme impie et dangereuse à la jeunesse ; mais quand nous en sommes venus à la discussion directe des pré-