Page:Dessaulles - La Grande Guerre ecclésiastique. La Comédie infernale et les noces d’or. La suprématie ecclésiastique sur l’ordre temporel, 1873.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 80 —

moindre plaisir ; il est toujours pénible de disséquer ainsi des hommes de cette haute position hiérarchique ; mais les droits de la vérité priment tout, même les susceptibilités épiscopales. Et au fond, V. G. ne recueille aujourd’hui que ce qu’Elle a semé. Sa tactique inintelligente d’écrasement, de calomnie contre des citoyens honorables, retombe sur elle-même avec d’autant plus de force qu’elle a été plus aveugle. La justice reprend toujours ses droits parceque l’injustice se compromet toujours. Le fanatisme a toujours une période de succès, mais il finit par se démasquer lui-même. Mais nous étions loin de prévoir, et encore plus loin d’espérer, que ce serait le Clergé qui deviendrait éventuellement le meilleur témoin contre lui-même. Nous étions loin de prévoir que les passions ecclésiastiques se surexciteraient au point de faire comprendre aux esprits calmes, par les exagérations d’hostilité qui se produisent au sein du corps, à quelles injustices il peut se porter envers les laïcs quand ceux-ci veulent exercer leur jugement et combattre ses propensions à l’absolutisme. Quel droit a-t-il donc à notre obéissance aveugle quand ses membres les plus élevées se reprochent avec tant d’aigreur les mauvaises passions qui les animent ? Est-ce donc là une garantie de sagesse ou de charité vis-à-vis de nous ?

Non ! Mgr ! il reste aujourd’hui pleinement démontré par ce qui se passe sous nos yeux, que s’il y a incontestablement de grandes vertus et de grands dévouements dans le sacerdoce, il y a aussi beaucoup trop de prétentions à la domination morale comme à la domination sociale et politique. On veut tout diriger, tout contrôler. Même dans son domaine naturel le laïc ne mérite l’éloge que s’il se fait bien petit, bien docile devant le prêtre. On peut donc dire que s’il y a dans le Clergé de grands mérites individuels, il y a aussi de bien graves torts collectifs. Sous prétexte d’infaillibilité doctrinale, on veut être regardé comme infaillible en tout. Et les plus vertueux dans le Clergé ne sont pas toujours exempts de l’esprit de domination en dehors de la sphère religieuse. Qu’est-ce donc des autres, de ceux par exemple qui n’entrent dans l’état ecclésiastique que parcequ’ils y trouvent la vie et la considération assurées ? Et ceux-là aujourd’hui, Mgr, en forment une portion très notable sinon la majorité. Quel est donc l’inspirateur de tout cet abus des choses saintes que nous observons journellement, sinon l’esprit de domination de ceux auxquels il est si strictement défendu ?… « Il n’en sera pas ainsi parmi vous. »

On nous répète bien quelquefois le mot célèbre In dubiis libertas,[1] mais dans la pratique on restreint tellement le cercle des choses libres que le mot devient réellement lettre-morte. Et ce qui est encore bien plus lettre-morte en pratique aux yeux du Clergé, c’est la dernière partie de la règle : In omnibus charitas[2], car les sermons violents, les attaques personnelles en chaire, les articles de journaux religieux dont la charité, et même la bonne foi, n’approchent jamais ; certaines Annonces épiscopales au ton acerbe et violent ; certaines exigences purement locales et qui font lever les épaules ailleurs ; toutes ces choses sont là pour nous montrer quel peu de cas font « les violents, » dans le Clergé, des règles qui leur sont données pour tenir leurs passions en bride.

Ah ! Mgr ! que de dégringolades depuis trois mois dans l’opinion ! Que de réputations ecclésiastiques sur le carreau ! Qu’est donc devenu le Noli tangere christos meos[3] Quoi ! ce sont les oints eux-mêmes, et cela sous les regards des impies, qui se portent les plus terribles coups et se reprochent mutuellement l’orgueil, l’hypocrisie, l’arrogance, l’intrigue, la fourberie, et se comparent chrétiennement au poisson qui nage entre deux eaux, au renard rusé et au loup traître et sournois ! Il ne nous reste qu’à dire Amen ! Na-

  1. Liberté dans les choses douteuses.
  2. En toutes choses la charité.
  3. Ne touchez pas à mes oints.