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les erreurs de l’église

Eh bien ! voilà une nullité de mariage que le législa-

    concile de Latran, convoqué par Calixte II en 1123, décrète la supériorité du célibat sur le mariage. Huit ans plus tard, Innocent II décrète au concile de Reims de 1131 que la simple prononciation d’un vœu monastique rend le mariage nul. C’était une singulière application du principe de l’indissolubilité de l’union conjugale. En se faisant moine, même sans entrer dans les ordres, un homme pouvait, sous cette décision, abandonner sa femme. La décision fit du bruit et les moines de Chartres eurent l’idée de demander à Saint Bernard comment le principe de l’indissolubilité du mariage pouvait se concilier avec le décret d’Innocent II au concile de Reims. Saint Bernard répond que sa logique ne va pas jusque là (Lea, Hist. du célibat ecclésiastique). C’était, on en conviendra, très agréablement se moquer d’un pape et d’un concile. Et le moqueur est entré d’emblée au paradis ! Ne perdons donc pas courage !

    Et précisément alors parut le Decretum de Gratien où celui-ci redresse les papes et les conciles ignorants du temps précisément sur cette question de la supériorité du célibat sur le mariage et aussi sur celle de l’annulation d’un mariage par la simple prononciation d’un vœu monastique. Gratien établit que les opinions de Calixte II et d’Innocent II ne sont pas soutenables et qu’un diacre — et non pas seulement un moine ou un simple clerc qui ne sont pas dans les ordres — peut légitimement abandonner le ministère pour se marier, vu que le sacrement de mariage a tant de force qu’aucun vœu antérieur ne saurait l’annuler. (Comment. in Con., i, dist. 27. Cité par Lea, Hist. du célibat ecclés., p. 317). On voit que Saint Bernard n’avait pas tort en disant que sa logique n’allait pas jusqu’à concilier les opinions d’Innocent II et de Calixte II avec le principe de l’indissolubilité. On ne regardait donc pas comme vrai alors qu’un vœu postérieur au mariage le rendit nul. Au xe siècle, le mariage d’un prêtre était encore regardé comme valide puisque le concile d’Augsbourg de 952 l’admet comme tel. Mais l’opinion la plus favorable au principe de l’omnipotence du prêtre finit par prévaloir avec le décret d’Alexandre III.