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LETTRES DE FADETTE

Un homme lui avait donné son cœur et sa vie ; en échange, elle lui avait donné son cœur et sa vie. Elle a repris son cœur, pour le prêter à d’autres ; elle a dédaigné le cœur de son mari et désolé leurs deux vies. Ne remplissant pas ses engagement, elle a fait faillite ; une faillite morale plus douloureuse que toutes les autres : et le Malheur impitoyable réclame tout d’elle, lui arrache tout ce qui rendait sa vie supportable. Oui ! sa vie est bien manquée et par sa faute !

Je me souviens d’avoir lu un poème norvégien qui m’avait profondément impressionnée. Le héros, vagabond capricieux et fantasque qui a erré par le monde sans s’attacher à une tâche, se trouve dans une forêt de son pays natal, je crois. « Alors autour de lui tout s’anime, tout parle… il entend des voix et ces voix ressemblent étrangement à celles du remords.

Et les fleurs fanées disent : nous sommes les joies que tu n’as pas cueillies. Et les feuilles qui tombent murmurent : Nous sommes les pensées que tu n’as pas eues. Et le bois mort crie : Nous sommes le travail que tu as dédaigné.

Et les oiseaux chantent : nous sommes les tendresses que tu n’as pas comprises, les reconnaissances que tu n’as pas offertes. Il est accablé par le reproche des choses qui auraient pu être, des œuvres qui auraient dû être et qui n’ont pas été ! »

Pour échapper à cette cruauté des cho-