Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/76

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à moi ce soir-là, simplement en parlant à tort et à travers et en se laissant aller sur la pente de son incorrigible bêtise !


XXIX

Rien à dire


J’ai toujours eu l’appréhension du jour, où, devant mes feuilles blanches, je ne trouverais rien à vous dire, et il est venu ! J’y suis à cette heure même. J’ai fait à mon crayon une pointe très fine ; avec un caillou pointillé d’or ramassé sur la grève, j’ai retenu les coins du papier qu’un vent léger effeuille : mais ni le crayon aiguisé, ni les feuilles frémissantes n’ont la moindre pensée à me suggérer et j’en veux presque à mon directeur, — de journal — à qui j’avais déjà fait part de cette prévision lamentable : — Et quand je n’aurai rien à dire ? — Oh ! une femme parle sans avoir quelque chose à dire… n’en serait-il pas ainsi pour écrire ? — L’impertinent ! il a osé ? vous écriez-vous. — Parfaitement, et sa punition sera de lire la petite ineptie qui va se dessiner sous les coups du crayon vert… car il est vert, mon crayon !

La chaleur a fait le vide dans ma tête : je me la représente désolée et nue comme l’intérieur de la maison abandonnée, là-bas, où les oiseaux bâtissent leurs nids sous les corniches.

Qui sait, dans le silence accablé de ces