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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, quatrième série, 1918.djvu/7

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C’était d’un comique irrésistible ce « pour les âmes », accolé aux offres du bonhomme.

« Messieurs et dames, v’la une volaille dépareillée ! C’est gras, pleumé, ben vidé itou ! Une poule pour les âmes ! Une bonne offre pour la poule ! » Et il l’agitait en recommençant à décrire d’autres beautés de la bête. Et le « petit goret rose et tout en soie », et les pommes fameuses « chacune de la make de la celle qui tenta si fort notre grand’mère Ève ! »

Au sourire qu’amène le souvenir de la scène pittoresque se mêle une émotion attendrie. Elle est si belle la pensée qui a créé cet usage répandu dans le pays. Simple, naïve et généreuse, cette pensée associe ceux qui sont partis à la vie de ceux qui sont restés. Longtemps ils travaillèrent et peinèrent ensemble, il est juste qu’une part soit faite aux morts de la richesse que chaque fin d’année apporte aux vivants.

Ils préparent leurs dons à l’avance et ils offrent ce qu’ils ont de mieux ; tous les voisins rivalisent de générosité, et c’est d’autant plus admirable que nous savons que les campagnards ne sont pas « donnants » comme ils disent.

Cette coutume nous est-elle venue de la Normandie riche et fertile, dont l’automne, comme ici, remplit les greniers et les bourses ? Ou bien de la Bretagne pieuse où l’on a un culte si fervent pour les morts ? Est-ce un usage essentiellement canadien, et nos anciens l’établirent-ils au temps où chaque