vendre, au pair, à des Américains, pourrait-il leur être nuisible ? Si dix Américains viennent acheter dix terres dans une paroisse, et que les dix Canadiens qui auront vendu ces terres, aillent en acheter d’autres, un peu plus loin, d’une étendue triple ou quadruple, la population Canadienne aura-t-elle perdu en importance, ou aura-t-elle gagné ?
Combien de cultivateurs ne voyons-nous pas morceler leurs propriétés pour établir leurs enfants ? Pourquoi le font-ils sinon parce qu’ils ne peuvent pas vendre sans des sacrifices ruineux ?
S’il y avait plus d’acheteurs, ne vaudrait-il pas mieux, pour eux, avec l’argent d’une seule terre en acheter trois que les enfants défricheraient, et à chacune desquelles ils donneraient en moins de dix ans, par leur travail, une valeur égale à celle de l’héritage paternel, sur lequel ils auraient été à l’étroit et seraient restés pauvres ?
Je crois donc pouvoir maintenir que le résultat le plus certain de l’annexion étant l’augmentation de la valeur de la propriété, par conséquent l’accroissement de la richesse générale, les Canadiens-Français acquerront, si elle nous est donnée, une force morale et une influence politique qu’ils ne pourront jamais obtenir sous le régime colonial, qui est, pour eux particulièrement, une cause incessante, irrésistible d’appauvrissement et d’infériorité.
Aujourd’hui nous nous affaiblissons annuellement de toute l’émigration Canadienne qui se rend aux États-Unis. C’est certainement rester en-deçà de la vérité, que de porter le nombre des Canadiens émigrés aux États-Unis, à 200,000. Cela seul n’est-il pas une cause puissante de dépréciation pour la propriété ? Tout le monde sent ce mal, et il est immense ; nos hommes d’état prétendent se donner beaucoup de mouvement pour y porter remède ; mais qu’ont-ils fait ? Rien. Et en effet, sous le régime colonial, il est impossible d’empêcher cette émigration, parce que tous les Canadiens qui sont aux États-Unis écrivent journellement à leurs parents, à leurs amis que s’ils vont les joindre ils trouveront de l’ouvrage, se placeront d’une manière avantageuse, feront des épargnes qu’ils ne peuvent pas faire ici, en un mot participeront à la merveilleuse prospérité du peuple Américain.