Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, seconde partie.djvu/55

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si variées, si syncopées, si détournées, que l’on a peine à reconnaître, à travers tant de déguisemens, en quoi consiste la véritable expression de la pensée.

Souvent un seul de nos mots représente une proposition toute entière, exprime un jugement complet, et ce qui est plus fort, n’exprime pas toujours le même. Non, par exemple, veut dire je ne sens pas cela, ou je ne crois pas cela, ou je ne veux pas cela, suivant la manière dont il est placé. Oui veut de même dire, ou je le crois, ou je le ferai, ou cela est convenu, ou cela est certain, suivant l’occasion. Car signifie également, suivant les cas, la cause, ou la preuve, ou la conséquence de cela est que, etc. Nos simples cris haye ! Ah ! ouf ! veulent dire quelquefois plaignez-moi, ou secourez-moi ; et d’autres fois simplement je souffre, ou même je perds courage.

Il en est de même de toutes nos interjections, d’un grand nombre de conjonctions, de plusieurs de ces mots que quelques grammairiens appellent des particules : ce sont autant d’énoncés de jugemens tout entiers.

On en peut dire autant, dans beaucoup de circonstances, de nos pronoms. Ils ne