Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, troisième partie.djvu/223

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ne serait plus facile si nous avions un souvenir distinct de nos premières perceptions, des premiers actes de notre intelligence, et des premières combinaisons que nous en avons faites. Mais aucun de nous ne se rappelle comment il a commencé à sentir, à se ressouvenir, à juger, et à vouloir, comment il a formé ses premières idées, ni comment il a acquis la conviction de son existence, et de celle des autres êtres. Nous trouvons toutes ces connaissances, ces idées, et ces opérations, comme infuses en nous et sans origine précise. Cela doit être, car elles n’en ont effectivement pas. Tout en nous dans ce genre se fait petit-à-petit, par nuances insensibles, et sans différence assignable d’un instant à l’autre. La cause en est non-seulement dans la nature de notre organisation, mais encore dans le mode de son action. Nous naissons avec des organes imparfaits, que la seule durée de la vie développe de momens en momens, sans que nous en sentions les progrès. En même tems qu’ils acquièrent de la consistance, la fréquente répétition de leurs actes les amène graduellement de l’état de mal-adresse et d’engourdissement le plus absolu, à la souplesse et à la prestesse la plus merveilleuse, ensorte que dans ces premiers instans