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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, troisième partie.djvu/291

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l’assoupissement des sens, nous sommes privés de mille secours qui dans l’état de veille nous empêchent à tous momens de confondre avec une idée des impressions qui y sont étrangères. Rien ne nous avertit, par exemple, qu’un souvenir n’est pas une sensation actuelle, que l’objet auquel nous pensons n’est pas présent. Nous sommes dénués de moyens de distinguer le sentiment d’oppression résultant d’un mal d’estomac, de celui provenant d’un poids qui nous accablerait. Nous devons donc à chaque instant, plus que dans aucune autre circonstance, joindre sans discernement à une idée, une foule d’impressions différentes, et parconséquent en faire à tous momens, sans nous en appercevoir, une idée très-différente de ce qu’elle était le moment d’avant, et de ce qu’elle a toujours été pour nous. Or ce n’est là autre chose qu’avoir de cette idée des souvenirs excessivement défectueux. Ils le sont à tel point dans ce cas, que dans tout autre, excepté celui de la démence absolue, ils nous choqueraient, et nous les réformerions tout de suite : aussi cessent-ils subitement de nous faire illusion à l’instant du réveil. Il en serait de même de toutes nos erreurs si elles étaient aussi faciles à démêler. Malheureusement cela n’est pas ; aussi sommes-