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Page:Detertoc - L'amour ne meurt pas, 1930.djvu/61

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pas de sa vieille masure, à l’autre bout du pont, nous salua de son Ben-Oui ordinaire, perçut ses droits de péage et nous souhaita beaucoup de plaisir. Pauvre vieille, elle avait conservé un brin de jeunesse, car elle paraissait heureuse de voir la jeunesse aller s’amuser. Nous remontâmes dans les voitures et nous filâmes vers Beauharnois où nous devions rencontrer plusieurs amis. De Ste-Martine à Beauharnois, nous traversions des campagnes couvertes d’abondantes moissons. De Beauharnois au Buisson, nous côtoyions le fleuve sur une distance de deux lieues.

Tout le long du trajet, Rose-Alinda et moi, assis en arrière d’une des grandes voitures, nous nous entretenions à voix basse, nous mêlant peu à la conversation bruyante, à la joie exubérante de nos amis. Nous sentions que c’était notre dernier jour à passer ensemble et nous avions tant de choses à nous dire la veille du départ. Nous regardions d’un œil distrait la campagne dérouler ses tableaux variés ; les clôtures de perches, hautes de quatre pieds, toutes faites sur le même modèle ; de loin en loin quelques chênes superbes élançant vers le ciel leur tête altière, vers l’horizon leurs branches droites et touffues, et couvrant de leur ombre quelques bœufs bien gras ; aux bords des fossés à sec, des bouquets de vieux saules rabougris autour desquels broutaient des moutons noirs ou blancs ; des maisons en bois ou en pierre blanchies à la chaux, avec des contrevents verts ou bruns ; des femmes et des enfants, aux portes, attirés par cette curiosité naturelle aux paysans pour qui le passage d’une voiture est tout un événement ; des chiens