Aller au contenu

Page:Detertoc - L'amour ne meurt pas, 1930.djvu/7

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les histoires de marins naufragés qui luttent avec les pieuvres monstrueuses. J’examinais, je pensais et je marchais toujours lorsque tout à coup j’allai buter sur la carène d’une goélette, depuis longtemps rejetée sur la plage et que la mer, dans la rage de ses grandes marées, avait à moitié ensevelie dans le sable. Ses grosses poutres de bois, équarries à la hache et liées entre elles par d’énormes fiches de fer, servent maintenant de banc pour les personnes fatiguées par la promenade et pour celles qui veulent s’isoler, méditer, contempler la mer ou lire des romans loin de toute distraction. Je relevai la tête et je vis avec étonnement le petit vieillard assis à ma place de prédilection, là où j’aimais tant passer de longues heures de repos complet. Je m’approchai tranquillement de lui ; il ne bougea pas ; il ne semblait pas me voir ; il était immobile, paraissant absorbé dans une idée fixe. À quelque distance, la jeune fille s’amusait à ramasser des coquillages. Je recherchais en vain sur les traits de l’homme en face de moi, la ressemblance d’un ancien ami que j’avais cru retrouver la première fois que je l’avais aperçu. Mais jusqu’ici rien ne me permettait de reconnaître cet homme, qui avait les traits ridés, le teint jaune, les cheveux blancs et rares. Ses sourcils longs et épais donnaient un air d’austérité à sa figure. Sa moustache blanche s’affaissait sur ses lèvres dont les coins se continuaient avec des rides profondes. Le dos un peu voûté faisait pencher la tête en avant. On eût dit le chagrin personnifié pleurant depuis longtemps sur une tombe chérie.

Je m’assis à quelque distance sur la même poutre