Page:Dick - Le Roi des étudiants, 1903.djvu/52

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— Au pénitencier ! répondit d’une voix sourde le Roi des Étudiants.

— Au pénitencier ! fit Champfort… et pour combien de temps ?

— Pour un an… Le jury m’avait fortement recommandé à la clémence de la cour.

— Hélas ! pauvre ami… mais la sentence ne fut pas…

— J’ai fait mon temps ! j’ai porté, comme me l’avait prédit Lapierre, la casaque du forçat ; pendant douze longs mois, j’ai vécu côte à côte avec les meurtriers, les voleurs et les faussaires, travaillant sous le fouet des gardiens, mangeant à la gamelle du galérien !

« Oh ! ces douze mois, mes amis, ils m’ont vieilli de douze ans et ont amassé bien du fiel dans mon cœur !… Et qui pourrait dire combien de sombres pensées de vengeance m’ont agité à l’ombre de ces murs lugubres du pénitencier de Kingston !

« Enfin, ils passèrent, et je pus respirer de nouveau le grand air de la liberté.

« Mais je n’étais déjà plus l’adolescent joyeux à qui l’avenir sourit. Mon âme avait bu à la source d’amertume et s’en était imprégnée. La blessure que l’on venait de faire à mon honneur et à mes sentiments les plus intimes me brûlait comme un fer rouge.

« Je résolus de quitter le Canada et d’aller chercher dans le fracas de la guerre américaine, sinon l’oubli, du moins un adoucissement à mes tortures morales et une sorte de réhabilitation vis-à-vis de moi-même.

« Une autre raison – et celle-là bien plus impérieuse – me poussa à cette détermination.