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Page:Dick - Le Roi des étudiants, 1903.djvu/71

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sang et de la reconnaissance ? poursuivit Champfort, en s’animant.

— Tout doux, mon cousin, je n’ai pas cette prétention, et mon antipathie, comme vous dites, ne va pas jusque là.

— C’est fort heureux pour moi que vous sachiez mettre des bornes à cet inexplicable sentiment. Le poids m’en est déjà assez lourd comme ça, et je serais véritablement au désespoir de le voir s’augmenter, ne fût-ce que d’un atome. »

Laure se mordit légèrement les lèvres et ne répondit pas. Ses doigts se mirent à errer sur les touches d’ivoire, en gammes capricieuses, pendant que ses yeux rêveurs se fixaient vaguement sur ceux de Champfort.

Tout à coup, elle demanda brusquement :

« Êtes-vous fataliste, Paul ?

— Pourquoi cette question ? fit le jeune homme surpris.

— Peu importe… répondez toujours.

— Précisez davantage.

— Soit : croyez-vous qu’il y ait une destinée à laquelle on ne puisse se soustraire ?

— Non, je ne crois pas à cela : la vie humaine n’est pas une machine que Dieu monte avec un ressort à la naissance, et qui en suit l’invincible impulsion jusqu’à la mort.

— Ah ! vous pensez donc que l’on doit, en toute circonstance, se raidir contre un malheur qui nous semble inévitable.

— Je suis d’avis qu’il y aurait lâcheté à agir autrement.

— Même lorsque ce malheur est nécessaire ou nous paraît tel ?

— Même en ce cas… Mais, ma chère Laure, que