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Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/177

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End ils passèrent devant une maison dont le locataire, un gentleman catholique d’une fortune modique, après avoir loué un chariot pour le déménager à minuit, avait fait descendre, en attendant, son mobilier dans la rue, afin de charger sans perdre de temps. Mais l’homme avec lequel il avait fait ses conventions, alarmé par les incendies de cette nuit, et par la vue des émeutiers, qui avaient passé devant sa porte, avait refusé de tenir sa parole ; de manière que le pauvre gentleman, avec sa femme, quatre domestiques et leurs petits enfants, étaient assis, grelottants sur leurs paquets, à la belle étoile, redoutant la venue du jour et ne sachant comment faire pour se tirer de là.

On leur dit qu’il en était de même avec les voitures publiques. La panique était si grande, que les malles et les diligences avaient peur de transporter des voyageurs de la religion attaquée. Quand les conducteurs les connaissaient pour des catholiques, ou obtenaient d’eux l’aveu qu’ils appartenaient à cette croyance, ils ne voulaient pas les prendre, même pour de grosses sommes d’argent. La veille même, il y avait des gens qui évitaient de reconnaître, en passant dans les rues, des catholiques de leur connaissance, de peur qu’il n’y eût là des espions apostés qui pourraient les dénoncer et les brûler, comme ils disaient, c’est-à-dire mettre le feu à leur maison. Un bon vieillard, un prêtre, dont on avait détruit la chapelle, un pauvre homme, faible, patient, inoffensif, qui s’en allait tout seul à pied sur la route, dans l’espérance de rencontrer plus loin quelque diligence qui voulût bien le prendre, dit à M. Haredale qu’il serait bien heureux s’il trouvait un magistrat assez hardi pour se charger, sur sa plainte, de faire mettre son prisonnier en état d’arrestation. Malgré tous ces récits décourageants, ils continuèrent de se diriger vers Londres, et, au lever du soleil, ils étaient devant Mansion-House.

M. Haredale se jeta à bas de cheval ; mais il n’eut pas besoin de frapper à la porte, car elle était déjà ouverte, et sur le seuil se tenait un vieux gentleman de bonne mine, rouge ou plutôt pourpre de figure, dont la physionomie animée montrait qu’il faisait des représentations à quelque autre personne placée en haut de l’escalier, pendant que le portier essayait, petit à petit, de se débarrasser de lui et de lui fer-